- Jimmy Jean
Vice-président, économiste en chef et stratège
Le Québec a démontré sa capacité de rebondir
Lorsque l’économie québécoise traversait des difficultés, nous argumentions qu’elle était néanmoins en bonne posture pour rebondir rapidement lorsque les taux d’intérêt commenceraient à baisser. Ce pronostic s’est avéré juste puisque l’économie québécoise a effectivement montré une belle résilience en 2024. L’emploi, qui était au ralenti il y a quelques mois, affiche désormais une variation annuelle de 1,1 % en date de novembre. L’essentiel de cette hausse est survenu depuis juillet dernier. Bien que le taux de chômage ait atteint 5,9 % en novembre, la hausse du taux de chômage au Québec depuis le début de l’année (1,2 point de pourcentage) est équivalente à celle au Canada, et elle s’explique davantage par le taux de postes vacants faible relativement au nombre de chômeurs que par un mouvement de mises à pied. La croissance annualisée du PIB au premier semestre s’est affichée à 3,2 %, comparativement à 2,0 % pour l’Ontario et 1,6 % pour le Canada dans son ensemble. Le marché immobilier s’avère particulièrement effervescent, avec des ventes en hausse de 44 % sur un an en date d’octobre, ce qui se traduit par une accélération des prix, l’indice de prix MLS pour le Québec affichant une hausse de 6,1 % en variation annuelle, soit sa plus forte augmentation depuis que la Banque du Canada (BdC) a resserré sa politique monétaire après la pandémie. Le taux d’épargne demeure dans les deux chiffres au Québec. Le haut niveau d’épargne constitue d’ailleurs l’une des principales raisons pour lesquelles nous croyions que le Québec serait en mesure de sortir de sa période difficile de l’an dernier.
Cependant, derrière ces succès apparents se cachent des défis structurels. La productivité du travail est en recul de 6 % depuis son sommet de 2020. L’investissement des entreprises en machines et équipements ne représente que 2,8 % du PIB en moyenne depuis 2020, contre 3,2 % en Ontario et 3,3 % pour la moyenne canadienne. Ces lacunes sont exacerbées par le vieillissement de la population : d’ici 2031, plus de 25 % de la population québécoise aura plus de 65 ans, ce qui pèsera sur les finances publiques. Contenir le rythme des dépenses en santé à une moyenne de 2,6 % au cours des trois prochaines années sera tout un défi dans ce contexte, même s’il est vrai que le Québec n’est pas le seul à potentiellement sous‑estimer l’effet du vieillissement Lien externe au site. sur ses dépenses en santé.
L’année 2025 s’annonce ainsi comme une année charnière. Les exportations vers les États‑Unis, qui représentaient en 2023 74 % des exportations totales du Québec (soit environ 87 G$ de marchandises), pourraient être affectées par le retour du protectionnisme promis par Donald Trump. La baisse de l’immigration temporaire sera radicale. Il faudra réduire environ du tiers l’octroi de permis de résidence temporaire dans la province pour atteindre la cible de 5 % de la population fixée par le gouvernement fédéral. Lorsqu’on ajoute une prudence accrue en matière de dépenses publiques, alors que le gouvernement doit déposer un plan pour éponger son déficit de 10,8 G$ d’ici 2030, l’économie québécoise devra composer avec plusieurs obstacles.
Malgré ces incertitudes, le Québec dispose de forces indéniables. Le ratio d’endettement des ménages représente 150 % de leur revenu disponible, contre 185 % pour la moyenne canadienne. La province possède l’un des plus grands gisements de lithium au monde et génère la quasi-totalité de son électricité à partir de sources renouvelables, principalement hydroélectriques, à un coût largement inférieur à la moyenne nord-américaine. L’entente de principe sur Churchill Falls annoncée cette semaine permettra au Québec d’acheter davantage d’énergie hydroélectrique de Terre‑Neuve-et‑Labrador, et d’ainsi subvenir environ au tiers de l’électricité supplémentaire que compte offrir Hydro‑Québec au cours de la prochaine décennie. La main-d’œuvre québécoise se distingue avec 71 % des 25‑64 ans détenant un diplôme d’études postsecondaires, soit la proportion la plus élevée au Canada, tandis que la province compte plus de 20 centres de recherche publics et universitaires. Les leviers pour accroître la richesse existent bel et bien au Québec.
En définitive, la performance de l’économie du Québec cette année témoigne de la capacité de la province à se remettre rapidement sur pied après avoir subi des chocs. Cette résilience sera essentielle face aux défis importants qui pointent à l’horizon. La baisse supplémentaire de 50 points du taux directeur de la BdC cette semaine donnera certes un élan, mais on ne pourra pas uniquement compter sur les taux d’intérêt. Les projets d’investissement majeurs, notamment ceux d’Hydro‑Québec, sont encourageants, mais ils se heurteront à des contraintes de main-d’œuvre qui n’existaient pas lors des anciens grands ouvrages hydroélectriques. Rattraper l’écart de richesse avec l’Ontario, comme le souhaite si ardemment le gouvernement du Québec, exigera que les entreprises prennent le virage de l’innovation, adoptent rapidement l’intelligence artificielle et les autres technologies productives, et investissent davantage dans les compétences de leur main-d’œuvre. Les décideurs devront rester concentrés sur ces moteurs de long terme, et apprendre à prendre parfois avec un grain de sel les déclarations que Donald Trump pourrait faire aux petites heures de la nuit.
Contactez nos économistes
Par téléphone
Montréal et environs :
514 281-2336 Ce lien lancera votre logiciel de téléphonie par défaut.