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Le protectionnisme de Donald Trump frappe tôt : l'incertitude nuira aux investissements et à la croissance
Faits saillants
- Les quelques semaines depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche ont été hautes en couleur et non sans conséquence pour la conjoncture économique américaine et mondiale. Des ajustements ont dû être faits à nos prévisions économiques et financières. L’empressement de la nouvelle administration, notamment en ce qui a trait à la politique commerciale, est un facteur majeur pour l’évolution de l’économie. Nous avons ainsi devancé au début du deuxième trimestre la mise en place de hausses généralisées (mais avec quelques exemptions) de 10 % des tarifs douaniers américains envers les biens provenant de la plupart des pays, y compris le Canada et le Mexique. Pour l’instant, nous écartons donc le retour de la menace de tarifs de 25 %. Cela s’ajoute aux tarifs déjà relevés pour la Chine ainsi qu’à l’augmentation de ceux sur l’acier et l’aluminium. L’introduction plus rapide des tarifs est problématique pour les entreprises américaines et étrangères, qui ne pourront pas s’ajuster. Les effets sur l’activité économique et sur l’inflation sont aussi devancés, mais leur ampleur reste semblable à nos précédentes prévisions. La croissance pourrait aussi être modérée davantage par le ralentissement de l’immigration et des dépenses publiques. L’économie américaine devrait tout de même continuer de croître, mais à un rythme plus lent, et ce, dès le printemps.
- Même si le Canada a bénéficié d’un sursis de 30 jours avant l’imposition de tarifs douaniers sur les importations américaines, une ombre continue de planer sur l’économie canadienne. Des menaces tarifaires constantes, mais désordonnées, comme celles annoncées sur l’acier et l’aluminium le 10 février dernier, créent une incertitude persistante. Même si nous prévoyons une accélération des exportations avant l’entrée en vigueur des tarifs, les entreprises risquent de marquer une pause dans leurs investissements jusqu’à ce qu’elles aient plus de certitude sur l’environnement commercial futur. La menace de représailles tarifaires, d’abord sur 30 G$ d’importations canadiennes en provenance des États-Unis, puis sur un montant additionnel de 125 G$ le 1ᵉʳ avril, ajoute une ombre supplémentaire au tableau. Les tarifs douaniers américains et les mesures réciproques stimuleront l’inflation et freineront la croissance au Canada. D’autant plus que cela survient dans un contexte de ralentissement important de la croissance démographique et de hausse des coûts du service de la dette hypothécaire au Canada en 2025 et en 2026.
- L’imposition de tarifs douaniers n’épargnerait pas le Québec. Nous estimons que 4 % des emplois de la province se situent dans des secteurs manufacturiers hautement vulnérables, notamment ceux liés à la fabrication de machines, de produits du bois et de papiers, de produits aérospatiaux et d’aluminium. Nous avons analysé l’incidence sur ces secteurs de façon plus exhaustive en janvier Lien externe au site.. Des mesures de soutien Lien externe au site. devront vraisemblablement être mises en place pour limiter les répercussions à long terme sur le potentiel économique de la province. En plus des pressions économiques accrues engendrées par les tensions commerciales actuelles, la province prévoyait jusqu’à tout récemment présenter au printemps un plan de retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2029-2030, ce qui impliquerait des décisions susceptibles d’influer sur l’activité économique. L’évolution défavorable de la conjoncture pourrait forcer le gouvernement à revoir ses plans.
- L’économie mondiale souffle le chaud et le froid. D’un côté, la conjoncture semble s’être améliorée en Chine, où la robustesse de la croissance du PIB réel au quatrième trimestre a permis au gouvernement d’atteindre sa cible de 5,0 % en 2024. Le contexte demeure cependant difficile, notamment avec l’escalade protectionniste américaine qui a déjà commencé à cibler la Chine. De l’autre côté, l’économie européenne connaît plus de difficultés. La croissance (non annualisée) du PIB eurolandais n’a été que de 0,1 % au dernier trimestre de 2024 avec des baisses en France, en Allemagne et en Italie. La modeste amélioration des indices PMI eurolandais en janvier est de meilleur augure pour le début de 2025. Évidemment, la conjoncture européenne, et mondiale, dépend maintenant en grande partie de l’étendue de la politique commerciale protectionniste américaine et des représailles déjà évoquées envers les États-Unis.
Risques inhérents aux scénarios
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche accentue l’incertitude dans le monde de manière considérable. Même si le président a déjà annoncé de nouvelles mesures protectionnistes, les reports mais aussi les nouvelles menaces rendent la situation encore bien incertaine. Quelle sera l’ampleur des contraintes commerciales imposées par les Américains? Combien de temps dureront-elles? Quels pays seront visés et jusqu’où ira leur réponse? Les autres politiques mises en place par la nouvelle administration Trump, notamment du côté de l’immigration et de l’appareil gouvernemental fédéral, risquent aussi de bouleverser la conjoncture. Même si nous avons révisé nos prévisions, de nouveaux ajustements seront nécessaires à mesure que les choses deviendront plus claires. Du côté de l’inflation, même si elle est actuellement près des cibles dans de nombreux pays, une escalade de la guerre commerciale pourrait la faire grimper sensiblement. Le taux de chômage pourrait également augmenter fortement dans plusieurs pays en cas de guerre commerciale. Il existe aussi une grande incertitude quant à la capacité des banques centrales à réduire leurs taux d’intérêt dans le cas où elles seraient frappées par un choc stagflationniste. L’affaiblissement des organismes américains de réglementation pourrait provoquer des débordements et, à terme, des déséquilibres financiers, sans compter des problèmes environnementaux ou même sanitaires. De nombreux gouvernements à travers le monde ont été frappés par des crises politiques, ce qui pourrait affaiblir davantage leur capacité à répondre à un ralentissement économique tout en préservant la viabilité des finances publiques. Les marchés obligataires pourraient réagir en augmentant les taux d’intérêt de manière plus agressive. L’évolution de l’économie mondiale, des marchés financiers et des prix des matières premières pourrait se montrer encore plus instable si la situation géopolitique et l’environnement économique se dégradaient davantage.
Scénario financier
Les banques centrales doivent maintenant composer avec un défi supplémentaire, soit les éventuelles répercussions négatives sur la croissance et l’effet inflationniste que pourraient avoir les barrières tarifaires américaines. Selon nos prévisions de base, la Banque du Canada (BdC) abaissera son taux directeur jusqu’à ce que celui-ci atteigne 2,00 % à la fin de 2025. Comme l’inflation se situe maintenant autour de la cible de 2 %, les dirigeants de la BdC réagiront probablement aux chocs de croissance qui pourraient découler de la mise en place de tarifs douaniers en abaissant davantage les taux. Le marché a bien interprété la fonction de réaction de la BdC, les obligations du gouvernement du Canada ayant offert un rendement supérieur et la courbe de rendement étant plus abrupte par rapport aux autres marchés développés.
La position de la Réserve fédérale (Fed) est différente de celle de la BdC. L’inflation aux États-Unis est toujours supérieure à la cible, et la croissance économique, surtout du côté de la consommation, demeure résiliente. Par conséquent, la Fed n’aura pas à réagir avec urgence aux chocs potentiels sur la croissance qui pourraient découler d’une guerre commerciale, surtout en raison des pressions haussières qu’exerceront éventuellement les tarifs douaniers sur l’inflation.
Conformément à notre scénario de base, dans lequel des tarifs sont imposés sur les exportations du Canada, l’augmentation des écarts entre les taux américains et canadiens aura probablement une incidence négative sur le dollar canadien. De plus, le dollar canadien n’a pas fait très bonne figure en période de volatilité accrue. Si les droits de douane étaient plus importants ou survenaient plus tôt que prévu, cela présenterait un risque à la hausse pour nos prévisions concernant le taux de change $ US/$ CA. Notre analyse indique que le dollar canadien se déprécierait de 5 % par rapport au dollar américain pour chaque hausse permanente de 10 % du taux tarifaire effectif.
Tableaux de prévisions
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