- Francis Généreux
Économiste principal
Un regain de confiance postélectoral?
En ce Black Friday, il est toujours intéressant de faire le point sur la vigueur de la consommation américaine et sur les intentions de dépenses des ménages pour la saison des Fêtes qui s’amorce. Disons que les dernières semaines, voire les derniers mois, ont été mouvementées aux États‑Unis. Est-ce que les rassemblements de la Thanksgiving qui ont eu lieu hier ont été joyeux ou ont plutôt été l’occasion d’exhiber sa morosité postélectorale?
Il faut rappeler que malgré les perceptions négatives des électeurs envers la situation économique actuelle, un facteur important de la victoire de Donald Trump, l’économie américaine ainsi que la consommation sont sur une assez bonne lancée. Publiée mercredi, la deuxième estimation des comptes nationaux du troisième trimestre a confirmé que le PIB réel a progressé de 2,8 % à rythme annualisé cet été. Cela inclut une hausse de 3,53 % de la consommation réelle, la meilleure performance depuis l’hiver 2023. Et le quatrième trimestre n’a pas si mal commencé… Les ouragans ont peut-être provoqué un ralentissement temporaire de la croissance de la consommation (0,1 % en octobre par rapport à 0,5 % en septembre), mais le revenu réel disponible a connu son meilleur gain depuis janvier.
Cela dit, un raffermissement de la confiance en ce début de la période des Fêtes serait tout de même apprécié, notamment des détaillants américains. De plus, notre scénario Lien externe au site. publié en novembre table sur de bonnes croissances au cours des premiers trimestres de 2025. Une vague de positivisme de la part des ménages (et des entreprises) serait un bon soutien et permettrait à l’économie de garder le cap alors que l’incertitude risque d’être exacerbée par le caractère impétueux du prochain président.
En ce sens, on espère, à l’image de 2016, un regain de confiance postélectoral. En novembre 2016, l’indice de confiance du Conference Board avait gagné 8,6 points et l’indice de l’Université du Michigan avait augmenté de 6,6 points. Malheureusement, cette fois-ci, les hausses ont été plus modestes, soit respectivement 2,1 points et 1,3 point (graphique 1). On a même pu voir une baisse de l’indice du Michigan entre sa version préliminaire, qui incluait uniquement des réponses recueillies avant l’élection, et sa version finale.
Pourtant, plusieurs facteurs se montraient plutôt positifs. Les marchés boursiers ont largement évolué à la hausse, les demandes d’assurance-chômage ont diminué et sont restées basses et les prix de l’essence ont continué leur descente pour passer sous les 3 $ US le gallon à l’échelle nationale pour la première fois depuis février dernier.
Il semble donc que, jusqu’à maintenant, l’impulsion électorale soit moins vigoureuse que prévu. Comme attendu, la confiance des partisans républicains a connu une forte hausse en novembre et celle des démocrates a diminué. Cela se remarque surtout sur le plan des anticipations des ménages (graphique 2). Les républicains ont hâte au changement de gouvernement et les démocrates le redoutent. Mais on sent qu’au milieu, les indépendants restent inquiets. Cela dit, la situation est encore jeune et les mouvements de décembre et des premiers mois de la nouvelle année confirmeront ou infirmeront ces premiers mouvements des indices de confiance. On aura d’ailleurs une autre lecture dès vendredi prochain avec la version préliminaire de décembre de l’enquête de l’Université du Michigan.
Et les entreprises?
En 2016, on avait aussi pu voir une nette amélioration de la confiance des entreprises. Cela s’était surtout remarqué dans une hausse vertigineuse de l’indice NFIB de confiance des petites entreprises, lequel avait rapidement grimpé à un sommet de plus de 12 ans (graphique 3). Les promesses de baisses d’impôts et de déréglementation alimentaient cet élan positif. On avait aussi pu voir une hausse marquée de l’indice ISM manufacturier à la fin de 2016, mais les mouvements de l’ISM services ont été plus tièdes. Là aussi, on aura plus de nouvelles cette semaine afin de jauger la situation actuelle. Les ISM manufacturier et services de novembre seront respectivement publiés lundi et mercredi. Il serait intéressant de voir si les composantes liées aux nouvelles commandes ainsi que les commandes à l’importation et les intentions de hausses de stocks commenceront un mouvement haussier lié à une préparation des entreprises à d’éventuelles augmentations de tarifs. De leur côté, les résultats de novembre de l’indice NFIB de confiance des petites entreprises seront publiés le mardi 10 décembre.
Des menaces à la confiance
Évidemment, certains éléments peuvent continuer de peser lourdement sur la confiance des ménages et des entreprises. Bien qu’elle ait beaucoup ralenti, l’inflation n’a pas disparu et s’est même un peu accélérée dans les derniers mois, notamment du côté des services. Les consommateurs continuent d’être frustrés par l’augmentation totale du coût de la vie depuis la pandémie. Selon l’American Farm Bureau (en anglais seulement) Lien externe au site., le coût d’un repas de la Thanksgiving « a diminué de 5 % par rapport à 2023, qui était de 4,5 % inférieur au coût de 2022. Deux années de baisse n’effacent pas les augmentations spectaculaires qui ont conduit à un coût record de 64,06 $ US en 2022. Malgré la tendance encourageante, un repas de Thanksgiving coûte toujours 19 % plus cher qu’en 2019 ».
Les principales politiques promises par Donald Trump ne devraient pas aider à faire diminuer davantage ce coût, au contraire. Une baisse importante de l’immigration, voire des déportations, nuirait aux activités des fermiers américains qui ont besoin de cette main-d’œuvre. Les tarifs pourraient aussi amener une hausse des prix à la production et à la consommation. Mais, même avant leur éventuelle mise en place, juste l’incertitude entourant ces questions risque d’être nuisible à la conjoncture. On en a eu un avant-goût cette semaine avec la déclaration de Donald Trump, se disant prêt à décréter dès le 20 janvier une augmentation des tarifs envers le Canada, le Mexique et la Chine. On a pu voir récemment une hausse considérable des recherches en ligne sur la question des tarifs (graphique 4), probablement un portrait des inquiétudes que cette question suscite.
Il y a donc encore du chaud et du froid dans cette nouvelle conjoncture postélectorale. Est-ce que la confiance des ménages et des entreprises aura, au net, une trajectoire positive convaincante? Pour le bien des économies américaine et canadienne, on le souhaite, mais rien n’est encore certain.
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