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Commentaire hebdomadaire

Une occasion inattendue de renverser l’exode des cerveaux canadiens

16 mai 2025
Jimmy Jean
Vice-président, économiste en chef et stratège

Depuis l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump, les universités américaines subissent un traitement qui fragilise leur rôle dans l’écosystème scientifique mondial. Les coupes dans le financement fédéral de la recherche, les restrictions sur les critères d’octroi des subventions et la politique plus restrictive à l’égard des étudiants et chercheurs internationaux créent un climat d’incertitude et de repli. À cela s’ajoute une politisation croissante de l’enseignement supérieur, qui fragilise les principes d’autonomie académique.

En parallèle, la Chine poursuit une stratégie inverse. Elle renforce ses moyens budgétaires, investit dans la recherche fondamentale, développe ses infrastructures universitaires, et attire ou forme une part croissante des chercheurs mondiaux. Le déplacement du centre de gravité scientifique mondial s’accélère, au détriment des États‑Unis.

Dans ce contexte, le Canada bénéficie d’un positionnement enviable. Il est perçu comme un pays ouvert, doté d’institutions universitaires de qualité – avec trois établissements classés dans le top 50 mondial Lien externe au site. selon le Times Higher Education. Le pays est jusqu’à présent relativement épargné par les tensions idéologiques qui affectent les campus américains. La plateforme libérale a d’ailleurs évoqué des investissements dans l’innovation, le capital patient et les corridors de recherche, autant de signaux positifs, à rebours des tendances plus obscurantistes observées au sud de la frontière.

Verra‑t‑on pour autant un afflux massif de cerveaux vers le Canada? Rien n’est moins sûr. Comme le souligne Lien externe au site. Christopher Manfredi, provost de l’Université McGill, la capacité d’attraction du Canada est affaiblie par des décisions politiques récentes, notamment les plafonds imposés aux admissions d’étudiants internationaux. Or, ces derniers contribuent de façon décisive au financement des universités, grâce à des frais de scolarité supérieurs à ceux des étudiants canadiens, mais aussi par leur présence massive dans les cycles supérieurs. Comme nous l’avons documenté dans nos travaux sur la jeunesse Lien externe au site., les immigrants représentent près des trois quarts des diplômés à la maîtrise et au doctorat dans des domaines clés comme le génie et l’informatique.

Ils participent activement à la production scientifique, soutiennent la réputation internationale des universités, et injectent à eux seuls plus de 30 G$ par an dans l’économie canadienne Lien externe au site.. Restreindre leur présence compromet directement la vitalité des programmes de recherche.

Ces éléments rappellent la nécessité de résister aux arbitrages impulsifs guidés par les pressions politiques du moment, et d’articuler une approche cohérente entre les objectifs de croissance démographique et ceux de création de richesse, comme nous l’avons soutenu ailleurs Lien externe au site., et comme d’autres observateurs l’ont également plaidé Lien externe au site.. En bref, il faudra trouver rapidement des solutions, notamment en logement étudiant Lien externe au site., un type de logement qui se prête bien à la densification.

Les conditions d’attraction ont beau ne pas être idéales, tout n’est pas perdu pour autant. Le Canada peut notamment cibler les chercheurs canadiens œuvrant actuellement aux États‑Unis. Les données du projet 10,000 PhDs Project, une étude traçant les statuts d’emploi des doctorants de l’Université de Toronto entre 2000 et 2015, montrent qu’une part importante des doctorants canadiens – jusqu’à 17 % – évoluent chez nos voisins du Sud.

Parmi ces individus, 83 % ont exprimé le souhait de revenir au pays à moyen terme. Ce retour sera toutefois souvent conditionnel à la disponibilité d’infrastructures de recherche adéquates, de perspectives de carrière attrayantes, et d’un environnement favorable à la poursuite de projets scientifiques.

Une stratégie ciblée visant à faciliter le retour de ces chercheurs pourrait s’avérer plus efficace et moins coûteuse que d’attirer des chercheurs n’ayant pas ces racines au Canada. Cela dit, même pour ses propres talents, le Canada devra rivaliser avec de grandes universités européennes, déjà en chasse active sur le sol américain. La Chine, dont le dernier plan quinquennal incorporait un objectif explicite de réduire sa dépendance aux technologies étrangères, intensifie aussi ses efforts pour rapatrier ses scientifiques de l’étranger.

Le Canada gagnera donc à concentrer ses efforts là où il dispose d’un avantage comparatif tangible. Il bénéficie déjà d’une crédibilité mondiale dans les domaines comme le développement responsable de l’intelligence artificielle, les sciences de la vie, ou encore les technologies propres.

L’instabilité dans le monde académique américain constitue donc une occasion en or. Si le Canada souhaite préserver, voire renforcer sa capacité d’innovation dans un monde plus fragmenté, il lui faudra créer les conditions d’un nouvel essor scientifique, adapter rapidement son système d’immigration, et courtiser activement ses talents expatriés. Déjà, avoir un premier ministre détenteur d’un doctorat de l’une des universités les plus prestigieuses au monde envoie à la communauté scientifique internationale un signal diamétralement opposé à celui émis par Washington. Mais ce fait, à lui seul, ne suffira pas.

On ne saurait conclure sans dire quelques mots sur un sujet de tout autre ordre. Le choix du gouvernement fédéral de ne pas publier de budget en 2025, malgré l’ampleur des engagements électoraux formulés en avril, est une mauvaise décision. Un budget est un peu un rituel sacré dans l’univers de la politique budgétaire. C’est d’autant plus le cas après une élection, où les promesses doivent être traduites en choix clairs, chiffrés et hiérarchisés. En 2020, la décision de faire exception à cette règle était largement justifiable, au vu de l’incertitude sanitaire extrême. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, guerre commerciale ou pas.

Dans un contexte où les attentes budgétaires sont élevées – en matière de logement, de défense, d’infrastructures –, le public est en droit d’avoir accès à une feuille de route à jour, qui distingue le discours électoral des priorités gouvernementales. Ce besoin de transparence est d’autant plus pressant que les finances publiques des pays avancés feront l’objet d’un examen accru de la part des marchés et des agences de notation dans les mois à venir. Le Canada a bâti la crédibilité lui valant une note AAA sur la constance et la rigueur de ses institutions budgétaires. Reporter l’exercice budgétaire dans un tel contexte revient à brouiller ce signal au moment où il est précisément un de nos meilleurs atouts.

Lire la publication Indicateurs économiques de la semaine du 18 au 22 juillet 2022

Consultez l'étude complète en format PDF.

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