Transfert d’entreprise : Guide complet pour une transition réussie
Vous avez imaginé votre entreprise, vous l’avez mise sur pied, façonnée, fait croître. Maintenant que les années ont passé, il est temps de penser à la relève, et ce, bien avant l’âge de la retraite. Bâtir une entreprise, c’est aussi apprendre à la voir un jour voler de ses propres ailes. Quelles sont les différentes étapes qui vous permettront de passer le flambeau en toute sérénité?
Depuis déjà quelques années, les transferts et rachats d’entreprises existantes sont en pleine croissance au Québec et dans le reste du Canada. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, ce type de transactions serait même plus important que la création de nouvelles entreprises. Le phénomène s’expliquerait notamment par une vague de départ à la retraite de nombreux fondateurs et fondatrices d’entreprise de la génération des baby-boomers.
Selon la plus récente Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, le transfert d’entreprise joue un rôle clé dans la prospérité du Canada, les petites et moyennes entreprises (PME) représentant la majorité des employeurs et contribuant activement à la vitalité économique du pays. Ces transactions permettent d’assurer la continuité, voire la pérennité des entreprises qui apportent de la valeur aux quatre coins du territoire.
Comprendre le transfert d’entreprise
Le transfert d’entreprise est un processus par lequel la propriété et la gestion d’une entreprise sont transférées d’une personne cédante à une personne repreneuse. L’entité passe donc d’un propriétaire à un autre, tout en conservant son identité.
La démarche nécessite une planification financière, fiscale, légale, humaine et organisationnelle en différentes étapes. Plusieurs décisions importantes seront prises tout au long de ce transfert progressif. L’accompagnement externe par des professionnels et professionnelles de la comptabilité, de la fiscalité, du droit, etc. s’avère souvent crucial durant l’ensemble du processus de transfert.
Il existe cinq principaux types de transfert d’entreprise :
- Transfert interne à des employés ou employées (cadres ou non) toujours au service de l’organisation
- Transfert d’entreprise familiale à des membres de la famille (enfants, neveux ou nièces)
- Transfert mixte (ou repreneuriat hybride) qui combine des membres de la famille et des membres du personnel clé
- Transfert à une entreprise existante
- Transfert à une tierce partie (acheteuse ou acheteur externe)
Étape 1 : Planifier le transfert d’entreprise
Comme tout projet d’envergure, le transfert d’entreprise nécessite une réflexion et une planification rigoureuse. La procédure s’étend généralement sur une longue période et comporte son lot de défis : identification de la relève, vérification diligente, montage financier, partage de connaissances, gestion des ressources humaines et période de transition. Les différentes facettes de la transaction doivent être réfléchies en amont et tout au long des phases du projet de transfert.
« Un processus de transfert complet prend approximativement cinq ans, indique Richard Quinn, directeur principal, Transfert d’entreprises chez Desjardins. Une fois la relève identifiée, il faut compter deux à trois ans avant que le transfert soit effectué. Il s’agit alors d’une étape importante durant laquelle on rassure les employés, les fournisseurs et partenaires financiers. »
Une bonne planification en amont vise à maximiser les avantages financiers du transfert, à réaliser une évaluation précise de l’entreprise, à assurer une continuité opérationnelle et à gérer plus efficacement les risques.
« La préparation de l’équipe et la planification du transfert ont réellement une incidence sur la valeur de l’entreprise à la fin, sur le succès à long terme. C’est comme bâtir une maison, on commence par la fondation qui se réfère ici à cette réflexion en amont. »
– Richard Quinn, directeur principal, Transfert d’entreprises, Desjardins
Étape 2 : Définir les objectifs du transfert
Pour réussir le transfert de votre entreprise, il est essentiel de définir vos objectifs personnels et professionnels. Votre directeur ou directrice de comptes vous guide vers des professionnels et professionnelles et agit dans le respect de vos valeurs et de vos objectifs. Voici des exemples de questions que vous pourriez alors vous poser :
- Où voyez-vous votre entreprise dans trois à cinq ans?
- Qui sont les personnes de votre entourage qui pourraient éventuellement prendre votre place?
- Souhaitez-vous vous retirer complètement de l’entreprise? Si oui, dans combien de temps?
- Souhaitez-vous conserver les valeurs et la culture de l’entreprise?
- Quels revenus aurez-vous besoin à la retraite?
Les réponses à des questions de cette nature contribueront à établir les grandes lignes d’une stratégie de transfert qui reflète vos aspirations et vise à favoriser la pérennité de votre entreprise familiale, très petite entreprise (TPE) ou PME.
Étape 3 : Identifier le successeur ou la successeure
La recherche d’une relève adéquate serait le facteur le plus souvent cité comme obstacle à la planification de la relève, selon un rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Dès lors, une réflexion s’impose : à qui allez-vous céder votre entreprise? Des membres de votre famille ont-ils manifesté leur intérêt? Et qu’en est-il de votre équipe de direction? En communiquant vos intentions de retrait à court, moyen ou long terme, vous ouvrirez la voie à des échanges constructifs avec une succession potentielle.
Établir une liste de critères de sélection vous aidera à y voir clair au moment de choisir une relève compétente. L’offre la plus avantageuse n’est pas forcément celle qui contribuera à atteindre vos objectifs.
« En choisissant une personne dont la personnalité, la vision et les valeurs sont en adéquation avec les siennes, le propriétaire cédant met toutes les chances de son côté pour que le transfert fonctionne, explique Richard Quinn. Parmi les principales habiletés et compétences recherchées, outre son historique et son expérience en gestion, nous recommandons de s’attarder notamment à son sens des affaires, à sa capacité de bien s’entourer, de communiquer et d’aller chercher l’engagement des gens. La personne repreneuse doit également avoir une vision stratégique claire pour l’entreprise, elle doit être orientée vers les nouvelles technologies et la productivité… »
Bon à savoir
Comparativement à la création d’une entreprise, le transfert d’entreprise comporte plusieurs avantages pour la partie acquéreuse. Voici les principaux :
- Une clientèle existante
- Une réputation et une marque établies
- Des infrastructures, des équipements et des ressources déjà en place
- Une équipe expérimentée
- Des programmes de financement plus accessibles
- Une réduction des risques (le bilan financier de l’entreprise et le modèle d’affaires sont déjà connus)
Étape 4 : Évaluer la valeur de l’entreprise
Au moment de fixer la valeur de votre entreprise, vous devrez procéder à son évaluation de manière objective. Votre directeur ou directrice de comptes peut vous orienter vers des experts en évaluation d’entreprise (EÉE) de l’Institut des CBV, qui utilisent une approche analytique et impartiale.
Selon la situation de l’organisation, l’EÉE sélectionnera les méthodes d’évaluation les mieux adaptées. Voici les trois principales méthodes :
Méthode basée sur la rentabilité : elle consiste à estimer la valeur d’une entreprise en se basant sur sa capacité à générer des bénéfices futurs, en tenant compte de sa performance historique.
Méthode basée sur la valeur des actifs : elle s’appuie sur la valeur marchande des actifs tangibles de l’entreprise (terrains, bâtiments, équipements) et intangibles (brevets, marques de commerce), dont on déduit les dettes.
Méthode basée sur les comparables du marché : elle repose sur une comparaison de la compagnie à d’autres entreprises de taille similaire qui ont été vendues récemment. Cela situe l’entreprise dans une fourchette de prix basée sur le marché actuel.
« On conseille aux propriétaires dirigeants de faire évaluer l’entreprise dès la phase de réflexion, précise Richard Quinn. Cet exercice permet d’abord de vérifier si la valeur de l’entreprise est suffisante pour répondre aux besoins financiers de l’entrepreneur une fois à la retraite. Si ce n’est pas le cas, c’est l’occasion idéale de travailler à la valorisation de l’entreprise, que ce soit en éliminant les actifs improductifs, en améliorant la productivité grâce à la transformation numérique, en diversifiant les marchés ou encore en mettant en place un plan de croissance par acquisition. »
Ainsi, l’évaluation définitive de l’EÉE constitue un des éléments de base qui serviront à la négociation afin d’établir le montant total de la transaction.
Étape 5 : Élaborer un plan de transfert d’entreprise
Le plan de transfert (ou plan de relève) est un document structuré qui décrit les étapes nécessaires pour assurer la continuité de l’entreprise. Il prend en compte tous les aspects du processus, qu’ils soient humains ou stratégiques, qu’ils concernent le transfert de gestion ou le transfert de propriété.
L’élaboration d’un plan de transfert commence dès la phase de réflexion et de planification, en prévoyant les besoins futurs et en maintenant des discussions ouvertes avec toutes les parties prenantes. Chacune des étapes du transfert devra y être explicitée, incluant la préparation, l’évaluation, la transmission de connaissances, la vérification diligente, la transaction financière et la transition.
Il sera important de suivre régulièrement l’avancement du plan et d’évaluer son efficacité, en apportant des ajustements au besoin.
Transférer en temps d’incertitude économique
Mener à bien un transfert d’entreprise en période de turbulences économiques est tout à fait possible. Il est essentiel de surveiller la situation de près afin de protéger la trésorerie de l’entreprise tout en gardant à l’esprit l’objectif du transfert familial, mixte ou externe. Plutôt que de se limiter aux baisses de résultats et aux pertes financières contextuelles, le cédant ou la cédante et l’équipe d’accompagnement au transfert d’entreprise gagnent à considérer la performance à long terme et les projections d’avenir de l’organisation. Ralentir le processus de transfert d’entreprise aide à mieux préparer le terrain pour l’avenir et à rester flexible face aux différents défis que représente un climat incertain.
Étape 6 : Transférer la propriété
Lors du transfert de propriété, plusieurs étapes clés se succèdent : signature des documents légaux qui officialisent le changement de propriétaire, réorganisation de la gestion et des responsabilités opérationnelles, finalisation du financement du transfert.
Obligations légales et fiscales
À cette étape, vous devez porter une attention particulière aux aspects juridiques et fiscaux.
« Nous arrivons à la partie transactionnelle du transfert d’entreprise qui inclut la signature du contrat de vente, des accords de non-concurrence ainsi que la reprise des contrats de travail par le nouvel employeur, détaille Richard Quinn. Nous recommandons qu’un ou des avocats soient impliqués afin de bien encadrer les représentations et les garanties. »
Il est préférable que la planification fiscale soit amorcée deux à trois années auparavant dans le but d’optimiser la structure organisationnelle, selon Richard Quinn. Cette préparation maximise l’exonération pour gains en capital, minimise les pièges fiscaux et peut favoriser une transition financière fluide.
Les documents légaux du transfert d’entreprise
Voici les différents documents légaux qui encadrent l’étape du transfert formel :
- Entente de confidentialité et de non-divulgation : document signé en amont des discussions, par lequel la partie acheteuse s’engage à ne pas divulguer les informations confidentielles obtenues sur l’entreprise. Il permet d’ouvrir les échanges tout en protégeant les données sensibles du cédant ou de la cédante.
- Lettre d’intention : document dans lequel la personne acquéreuse indique qu’elle est prête à acheter l’entreprise (des actions ou des actifs) à un prix donné dans un horizon de temps. Il ne s’agit pas d’un engagement juridique; l’acquéreur ou l’acquéreuse pourrait se retirer de la transaction à tout moment.
- Offre d’achat : offre préliminaire avec laquelle la partie acheteuse propose d’acquérir une entreprise à un prix déterminé, et à des conditions spécifiques (délais et modalités de paiement). Ce document devient juridiquement contraignant dès l’acceptation de l’offre par le cédant ou la cédante.
- Convention achat-vente : accord définitif entre la partie acheteuse et la partie cédante, détaillant les termes de la vente, y compris les modalités de paiement, les garanties et les clauses de non-concurrence. Ce document officialise la transaction et est juridiquement contraignant.
- Convention d’actionnaires : document juridique essentiel qui prévaut lorsque la transaction implique deux actionnaires et plus. Il permet d’encadrer les relations et de préciser les règles de gouvernance, de transfert d’actions et de prise de décisions. Il vise à prévenir les conflits et à assurer la stabilité de l’entreprise après la transaction.
- Convention de financement : entente formelle entre la partie acheteuse et les institutions financières (ou autres sources de financement) qui détaille les modalités de financement de l’acquisition. Elle précise les montants empruntés, les garanties exigées, les échéanciers de remboursement et les conditions associées au prêt.
Financement du transfert d’entreprise
Le montage financier du transfert d’entreprise doit être soigneusement planifié afin d’assurer une transition fluide. Nous vous offrons des outils et des conseils pratiques pour vous accompagner tout au long de ce processus complexe, en vous orientant vers des solutions de financement sur mesure. « Le propriétaire cédant joue un rôle crucial dans le financement du transfert d’entreprise, précise Richard Quinn. D’abord, en choisissant la bonne relève et, ensuite, en la soutenant financièrement (notamment par un solde du prix de vente), vous envoyez un signal fort aux partenaires et investisseurs de votre engagement et de votre confiance en votre relève. »
Étape 7 : Communiquer avec les parties prenantes
L’étape du transfert officiel est également celle où les changements seront communiqués aux parties prenantes afin de préserver la confiance et assurer la continuité des opérations. Avec ou sans l’aide d’une firme externe en communication, la personne cédante collaborera avec la personne repreneuse afin d’élaborer un plan de communication interne et externe pour un meilleur contrôle du message.
Faire preuve de transparence demeure l’approche recommandée, selon Richard Quinn : la planification de la transition exige une approche stratégique des ressources humaines, intégrant l’arrivée du repreneur ou de la repreneuse et la gestion du changement pour toutes les parties prenantes.
Selon l’entente prise avec la relève entrepreneuriale, vous pourrez agir comme mentor ou mentore auprès d’elle pendant la transition, tout en respectant ses valeurs et sa vision, favorisant une intégration harmonieuse dans l’équipe.
Étape 8 : Transition vers une nouvelle vie
Le transfert d’entreprise marque la fin d’un cycle de votre vie professionnelle et le début d’un nouveau chapitre. Votre entreprise, en tant qu’actif important de votre patrimoine, doit être intégrée dans votre plan de retraite. Votre gestionnaire de patrimoine, impliquée au cours du processus de transfert, vous accompagnera afin de définir une stratégie d’investissement sans jamais perdre de vue vos objectifs.
Les aspects psychologiques de ce changement déterminant ne doivent pas être négligés. Comment allez-vous gérer cette grande étape de votre vie, alors que des sentiments de perte se mêlent à la satisfaction de voir votre entreprise prospérer dans une nouvelle phase de développement? « Il s’agit d’une décision majeure dans la vie d’un entrepreneur de s’imaginer remettre les clés et de se désengager de son entreprise, affirme Richard Quinn. C’est pourquoi les directeurs de comptes de Desjardins Entreprises commencent à aborder la question en amont. Généralement, les entrepreneurs accueillent la discussion favorablement et se montrent réceptifs à cette perspective nouvelle. »
Ce qu’il faut retenir
En somme, le transfert d’entreprise est une étape cruciale qui requiert une planification minutieuse et une compréhension des différents enjeux. Il sera important de négocier des conditions satisfaisantes pour les deux parties. En plus de vous offrir un accompagnement sur mesure, votre directeur ou directrice de comptes de Desjardins Entreprises pourra vous diriger vers des avocats ou avocates, fiscalistes, comptables, ainsi que vers d’autres personnes-ressources en mesure de répondre à vos besoins particuliers. En suivant les étapes détaillées ci-haut, vous pourriez mettre les chances de votre côté pour vous diriger vers une transition fluide et efficace.
Faites confiance aux équipes en transfert d’entreprise et en gestion de patrimoine de Desjardins Entreprises qui pourront vous guider et vous accompagner à chaque étape de ce processus complexe, en se basant sur les bonnes pratiques et de nombreux transferts réussis. Votre entreprise représente un actif important de votre patrimoine. Commencez dès aujourd’hui à planifier son transfert.