Les Fermes Lufa : intégrer les facteurs ESG au cœur du modèle d’affaires
Les Fermes Lufa multiplient les mesures pour limiter l’impact environnemental des légumes qui sortent de leurs serres : recirculation de l’eau lors de la culture, livraisons en circuit court, flotte de camions électriques… Mais au-delà de ces gestes individuels, c’est tout le modèle d’affaires de l’entreprise montréalaise qui s’appuie sur des pratiques durables.
À l’heure où un nombre croissant d’entreprises amorcent le virage pour intégrer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à leurs opérations, Les Fermes Lufa ont une longueur d’avance. C’est que la PME cofondée par Mohamed Hage il y a plus d’une décennie a fait de ces principes la pierre d’assise de tout son modèle d’agriculture urbaine. Étonnant cadeau dans cette aventure, l’inexpérience des jeunes entrepreneurs derrière Lufa leur a permis, dès les débuts, de faire les choses autrement.
« Comme nous n’avions jamais vendu ou fait pousser de tomates, nous avions le luxe de commencer à zéro. Parce qu’on ne savait pas ce qui existait, on a imaginé un modèle complètement différent, une façon de faire les choses que personne n’avait expérimenté. »
– Mohamed Hage, président-directeur général et cofondateur, Les Fermes Lufa
La mission de la jeune pousse : bâtir un système alimentaire plus durable en nourrissant les villes avec ce qu’on y cultive. Autrement dit, rapprocher les gens de la provenance de leur alimentation. C’est ainsi que Les Fermes Lufa ont construit, en 2011, la première serre hydroponique commerciale sur toit au monde, dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville de Montréal. Depuis, l’entreprise a prospéré, avec l’ajout de trois autres serres technologiquement avancées et d’une ferme intérieure.
Les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises servent à évaluer les bonnes pratiques en matière de développement durable. Ce sont des facteurs extrafinanciers qui influencent de plus en plus les parties prenantes, des investisseurs jusqu’aux consommateurs, en passant par les institutions financières.
30 000 Lufavores au rendez-vous
L’écosystème alimentaire urbain créé par l’entreprise montréalaise se traduit par la livraison d’environ 30 000 paniers d’aliments chaque semaine. Loin de s’asseoir sur ce succès, l’équipe cherche jour après jour à diminuer l’empreinte environnementale de ses opérations. « L’emballage de plastique, par exemple, demeure un grand défi », explique le président-directeur général de Lufa.
L’envergure qu’a prise la PME lui permet néanmoins d’investir en innovation, comme elle l’a fait en développant sa propre solution de blocs réfrigérants écoresponsables. « Sans le volume que nous avons aujourd’hui, nous n’aurions pas pu investir dans un tel projet pour rendre nos paniers plus durables », illustre Mohamed Hage.
Au-delà des considérations environnementales, Les Fermes Lufa ont à cœur de redonner à la communauté. C’est pourquoi l’entreprise a mis sur pied un programme de dons directs qui permet de livrer des paniers d’aliments frais à près de 1 000 personnes chaque semaine. « Ce qui nous rend fiers, c’est que les contributions sont traçables et versées à 100 % aux gens qui en ont besoin, sans aucuns frais de gestion », ajoute Mohamed Hage.
Prendre le temps de bien faire les choses
Aujourd’hui, Les Fermes Lufa estiment desservir environ 2 % des foyers montréalais. Mohamed Hage et son équipe mettent toutefois la barre plus haut. « Imaginez l’impact si nous nourrissions ne serait-ce que 10 % de la population urbaine ! C’est notre objectif », lance l’entrepreneur.
Mais pour y arriver, pas question de faire de compromis sur les principes fondamentaux qui animent les fondateurs de l’entreprise. Par exemple, proposer des produits exempts de pesticides et cueillis ou préparés la journée même de la livraison, lorsque possible. « Nous prendrons quelques décennies pour y arriver. C’est l’avantage d’être une entreprise multigénérationnelle. », précise Mohamed Hage.
Question pop-up
Que feriez-vous différemment si vous vous relanciez dans cette aventure ?
« Je viserais plus haut dès le début. Nous construirions notre première serre sur une superficie plus importante et développerions une infrastructure plus vaste dès le départ. Penser plus “large” nous aurait évité de devoir agrandir à plusieurs reprises par la suite. »
– Mohamed Hage, président-directeur général et cofondateur, Les Fermes Lufa
Conseil Desjardins
Par où commencer pour intégrer les facteurs ESG à ses pratiques d’entreprise ?
L’intégration des facteurs ESG est une démarche qui touche aussi bien la très petite entreprise que la très, très grande entreprise. Si les entreprises sont nombreuses à vouloir intégrer les critères ESG à leurs pratiques, la plupart ignorent par où commencer, constate Nancy Goudreau, directrice générale du financement durable chez Desjardins.
En effet, les dirigeants ont parfois l’impression que cela implique de se lancer dans une aventure complexe, onéreuse et dont ils ne verront jamais la fin. « Mais si vous suivez des indicateurs de santé et sécurité au travail, c’est du ESG; si vous avez un comité aviseur, un plan de relève ou une politique d’approvisionnement – toutes des mesures de gouvernance –, c’est du ESG aussi ! Lorsque les facteurs ESG sont intégrés à même votre modèle d’affaires, à ce qui est stratégique et pertinent pour vous, ça ne vous démobilise pas, ça vous accélère », ajoute Nancy Goudreau.
Les équipes de financement durable de Desjardins sont bien placées pour offrir un accompagnement qui tient compte de la réalité spécifique de chaque entreprise. « Les ressources pullulent, fait remarquer la directrice générale, mais il faut parfois être guidé pour trouver les programmes, les partenaires ou les solutions adaptés. »
ESG : gage de rentabilité ?
Avec les bons partenaires à leurs côtés, les PME québécoises peuvent amorcer de façon réaliste un virage pour intégrer les facteurs ESG à leurs pratiques. La bonne nouvelle, c’est qu’à long terme, ces facteurs créent de la valeur pour les entreprises. Une récente étude de McKinsey1 révèle que les entreprises financièrement performantes qui intègrent les priorités ESG dans leurs stratégies de croissance surpassent la compétition. « Par rapport à leurs pairs, ces entreprises sont deux fois plus susceptibles d’avoir une croissance de leurs revenus surpassant 10 %, ce qui est significatif », mentionne Nancy Goudreau.
1 McKinsey & Company, « The triple play: Growth, profit, and sustainability », 9 août 2023.