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Notre animatrice, Katerine-Lune Rollet, s'entretient avec des entrepreneurs, des entrepreneuses et des spécialistes de divers secteurs pour discuter de thèmes liés à l'entrepreneuriat. Découvrez des échanges étonnants, des conseils judicieux et des pistes de solutions concrètes.
Écoutez-les ici ou sur :
Dernier épisode
Épisode 9 – Projets de croissance : comment les financer?
Dans le cycle de vie d'une entreprise, la croissance est bien souvent synonyme de grosses dépenses. Que ce soit pour l'achat d'équipements plus performants, l'acquisition d'un nouveau bâtiment ou l'investissement dans une technologie dernier cri, peu importe le projet d'expansion, une bonne planification financière est essentielle pour financer ses achats et surtout éviter de manquer de liquidités. Pour discuter de la question aujourd'hui, j'ai invité Martin Joyal, fondateur et responsable de la pérennité de Yourbarfactory, et Nicolas Mathieu, directeur de comptes chez Desjardins Entreprises.
Martin : Chaque fois que tu fais un investissement qui va dépasser un an, il faut absolument que tu places ça à long terme pour avoir le plus possible de liquidités pour être capable d'absorber lors de la croissance.
Nicolas : C'est sûr que pour la flexibilité, puis la créativité du financement, on sait que l'enjeu principal va être ses liquidités et préserver son fonds de roulement.
Katerine-Lune : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises, où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat. Dans le dernier épisode de la série, je m'intéresse au financement des projets de croissance. Bonne écoute. Dans le cycle de vie d'une entreprise, la croissance est bien souvent synonyme de grosses dépenses. Que ce soit pour l'achat d'équipements plus performants, l'acquisition d'un nouveau bâtiment ou l'investissement dans une technologie dernier cri, peu importe le projet d'expansion, une bonne planification financière est essentielle pour financer ses achats et surtout éviter de manquer de liquidités. Pour discuter de la question aujourd'hui, j'ai invité Martin Joyal, fondateur et responsable de la pérennité de Yourbarfactory, et Nicolas Mathieu, directeur de comptes chez Desjardins Entreprises. Martin, vous avez fondé Yourbarfactory en 2001 et vous produisez 100 millions de barres annuellement, soit 600 barres par minute. Vous avez des clients de partout à travers le monde et vous avez reçu plusieurs prix en innovation. Quel type de barres de collation vendez-vous?
Martin : On fabrique pratiquement toutes les sortes de barres. Ça peut aller de la barre protéinée aux barres énergie. On a une spécialité de barres pour enfants, sans allergène, pour les sportifs. On en a dans toutes les directions.
Katerine-Lune : Wow! Il y en a vraiment pour tous les goûts. Vous êtes aussi le PDG de l'entreprise, mais votre titre officiel, c'est responsable de la pérennité. Qu'est-ce qu'un responsable de la pérennité?
Martin : Mon mandat principal, c'est de m'assurer qu'on soit encore là dans 5 ans. On n'a pas vraiment de titres de directeur, de VP, etc. Tout le monde est responsable de quelque chose.
Katerine-Lune : Oui, puis d'ailleurs, vous ne donnez pas des titres officiels pour les autres employés. Donnez-nous des exemples des titres des autres personnes dans l'entreprise.
Martin : Responsable du bonheur, ça, c'est notre personne aux RH et responsable des premières impressions, c'est notre personne à l'accueil. Ça peut être responsable de la fiabilité des données, ça, c'est celui qui est en technologie de l'information. Donc, chacune des personnes a un titre vraiment relié à son rôle et sa responsabilité dans l'usine et dans l'équipe.
Katerine-Lune : Nicolas, vous, vous êtes chez Desjardins Entreprises depuis 10 ans. Quel est votre rôle?
Nicolas : Mon rôle principal, c'est d'accompagner des entreprises et des entrepreneurs comme Martin dans la croissance de leur entreprise et/ou le maintien des opérations en offrant des solutions de financement et d'accompagnement au niveau des solutions d'opération.
Katerine-Lune : Martin, votre entreprise a connu une croissance assez soutenue, on parle de 30 à 35 % annuellement depuis ses débuts. Pour quels types de projets vous avez eu besoin de financement?
Martin : On a besoin de financement environ aux 2-3 ans parce que chaque étape de croissance nécessite d'autres fonds. Quand on double à peu près tous les 2 ans et demi, 3 ans, il y a une nouvelle problématique ou un nouveau défi. Ça peut être des équipements, un déménagement, un plus gros fonds de roulement. On en a eu de toutes les sortes.
Katerine-Lune : Nicolas, est-ce que ça se passe d'une manière similaire pour les autres secteurs ou il y a d'autres types de projets de croissance?
Nicolas : Écoutez, il y a plusieurs types de projets de croissance. Que ce soit pour l'acquisition d'une nouvelle bâtisse, pour augmenter sa capacité de production d'opération, pour investir dans des systèmes informatiques ou pour faire l'acquisition d'équipements innovants, c'est tous des investissements qui sont nécessaires pour une entreprise qui doit supporter une croissance.
Katerine-Lune : Est-ce que c'est une mauvaise idée de financer ses projets de croissance en pigeant dans ses liquidités?
Martin : C'est toujours une mauvaise idée de prendre son cash flow pour financer du long terme. Je dis le mot cash flow, mais c'est le fonds de roulement. Donc, la liquidité à court terme, ça doit servir à faire du court terme. Ce qui veut dire augmentation des stocks ou financer des clients. Le client qui devait te payer en 30 jours qui te paye en 45 jours, ça vient de te coûter 15 jours sur ta liquidité. Tu dois être en mesure d'absorber le court terme. À chaque fois que tu fais un investissement qui va dépasser un an, il faut absolument que tu places ça à long terme pour avoir le plus possible de liquidités pour être capable d'absorber pour la croissance.
Nicolas : Je suis d'accord avec ce que Martin vient de dire. Puis, je viendrais ajouter à ça que ce sont tellement des investissements qui ont un coût élevé pour l'entreprise et qui obligent une sortie de capitaux. Alors, bien sûr qu'avec les coûts d'intérêt aussi assez accessibles depuis les dernières années, à moins que l'entreprise ait vraiment une certaine maturité, puis qu'elle n'investisse plus, ce qui est pratiquement impossible. Parce qu'une entreprise, pour survivre, va devoir innover, va devoir améliorer ses processus, va devoir investir dans sa capacité de production. Donc, tout ça ensemble, ça doit être financé pour limiter la sortie de capitaux du fonds de roulement de l'entreprise pour que les capitaux soient amortis, la sortie de capitaux soit amortie sur une plus longue durée. Quand les entreprises sont en croissance, c'est sûr qu'ils vont devoir utiliser leurs liquidités pour leurs fonds de roulement. Mais en fait, le fait de financer, que ce soient les activités court terme ou long terme, c'est clair que le but premier de ça pour l'entrepreneur, c'est de protéger les relations d'affaires avec ses clients et ses fournisseurs. Parce qu'on s'entend qu'une entreprise, elle doit payer ses fournisseurs dans des délais selon les contrats et en même temps supporter ses comptes clients. Donc, toutes ces liquidités-là du fonds de roulement doivent être prioritairement utilisées à ces fins-là.
Martin : C'est danger, danger, danger. Un entrepreneur qui prend son cash flow pour faire du long terme, à moins qu'il soit assis sur une fortune, puis qu'il s'appelle Apple et qu'il génère 50 milliards par année, il n'a pas de problème. Mais une entreprise en croissance doit prendre sur du long terme le plus possible.
Katerine-Lune : Pouvez-vous nous donner un exemple de votre dernier projet que vous avez financé de cette façon-là?
Martin : On en a 2 en route. Il y en a un qui a été financé l'an passé, qui est l'automatisation de notre secteur emballage. C'est vraiment de l'automatisation. Dans la pénurie de main-d'œuvre, on remplace des travailleurs manuels. Cet investissement-là, ce sont vraiment des équipements qui vont durer 15 ans, 20 ans. Donc, il faut définitivement les financer sur du long terme, étant donné la durée de vie de l'équipement, puis aussi la sortie de fonds. Dans ce cas-là, c'est un investissement de 4 millions. Si on prenait ça dans le cash flow, il y aurait des fournisseurs qui ne seraient pas payés. Le 2e projet, on ajoute une 3e ligne de fabrication. On commence à faire les déboursés des premiers équipements, mais les équipements vont arriver dans un an. Donc, tu as toujours des mises de fonds à faire pour que tes fournisseurs commencent à fabriquer les machines. C'est un investissement assez majeur pour nous. Sur un investissement de 10 millions, normalement les fournisseurs vont demander 30-40 %. Encore une fois, on n'a pas 3-4 millions dans notre liquidité pour payer ça. Donc, ça prend des prêts à long terme.
Katerine-Lune : Donc Nicolas, quand un entrepreneur vous arrive avec une demande de financement, qu'est-ce que vous pouvez lui proposer comme ressources?
Nicolas : En fait, il y a plusieurs options de financement, mais je commencerais surtout par parler des partenaires que Desjardins offre ou donne accès à ces entrepreneurs. Voyez-vous, juste à l'interne, Desjardins Capital, qui est un gestionnaire de fonds sous l'image de marque de Desjardins, mais qui a une mission d'investir dans des entreprises en croissance pour stimuler le développement économique des régions, puis la création d'emplois. On a aussi chez Desjardins le programme Créavenir, qui est un programme pour supporter les jeunes entrepreneurs de 35 ans et moins qui n'ont pas accès à du financement comme une entreprise existante ou mature. On a aussi un programme d'aide qui se nomme le Fonds C. Yourbarfactory en a d'ailleurs bénéficié. C'est un fonds qui est financé par Desjardins qui supporte les initiatives des entreprises dans des créneaux bien précis. Je vous en donne quelques-uns : l'innovation, la relève d'entreprise, le développement des marchés, l'investissement en équipement écoénergétique. Pour Yourbarfactory, avec son projet d'automatisation de sa ligne d'emballage, on a été capable d'offrir une subvention de 10 000 $ pour son projet. Alors ça, c'est vraiment une belle initiative de Desjardins. Puis, Martin en avait été très content, surtout qu'on lui avait fait la surprise lors de notre visite à l'entreprise avec différents partenaires que j'avais avec moi de Desjardins.
Katerine-Lune : Martin, quand on pense à des projets de croissance, qu'est-ce qu'on doit faire en amont?
Martin : Nous, ça part toujours de la planification stratégique, de la vision stratégique, où est-ce qu'on s'en va? Puis qu'est-ce qu'on va faire dans 1 an, 2 ans, 3 ans, 4 ans? Est-ce que tout ce qu'on planifie arrive? Non. Est-ce qu'on les planifie? Oui. Donc, tu te fais une espèce de cible en te disant il devrait nous arriver ça. Exemple, la 3e ligne, on l'a dit en 2019. Elle nous arrive en 2022. Donc, on avait une bonne idée. Quand j'ai rencontré Nicolas il y a 2 ans, il savait déjà qu'on avait un projet de ligne 3. Donc, il y a comme un 12 à 18 mois avant, nous, on fait comme un teaser. On dit : voici la vision stratégique et voici où on va avoir besoin de vous. Ça, c'est vraiment le 12 à 18 mois en avance. Quand on arrive à 6 à 12 mois, on commence à donner de quoi de plus précis. Donc, tu avises ton banquier actuel, mais tu donnes aussi l'information à ceux qui ont envie de danser le tango avec toi. Tu leur donnes l'information un peu en avance. De 6 à 12 mois, il faut que ça soit quand même pas mal précis, tel type de machine, tel montant, quelque chose de solide. Puis dans 0-6 mois, tu es vraiment dans le crunch de la négociation.
Katerine-Lune : Martin, qu'est-ce qu'un entrepreneur devrait rechercher dans un partenaire financier?
Martin : On cherche quelqu'un à l'écoute. On a envie que notre directeur de compte soit quelqu'un de flexible, à l'écoute, qu'il comprenne nos besoins et qui soit en mesure de bien trouver, au niveau de l'institution financière, le bon programme qui va fiter le mieux avec ce dont on a besoin.
Katerine-Lune : Nicolas, avez-vous des exemples de solutions créatives ou flexibles que vous avez proposées à vos entrepreneurs?
Nicolas : C'est sûr qu'au niveau de la flexibilité et de la créativité du financement, ça, c'est vraiment mon rôle à moi comme directeur de compte. Lorsqu'une entreprise en croissance, qui est le cas aujourd'hui, nous arrive avec un projet de financement, on le sait que l'enjeu principal va être ses liquidités, préserver son fonds de roulement. Donc, déjà en partant, dans le cadre d'une ligne de production, d'offrir un moratoire de capital sur une période donnée, c'est quelque chose de très important. Parce que ça va permettre à l'entreprise de maintenir ses capitaux dans son fonds de roulement au lieu de payer un service de la dette. Parce qu'il ne faut pas oublier que l'investissement qui est fait va peut-être rapporter uniquement dans 1 an, dans 2 ans. Puis Martin pourra nous en dire plus longuement, mais dans ce cas-là précis, juste à partir du moment où que les machines sont commandées et la livraison de celles-ci, ça peut aller de 6 mois à 1 an. Par la suite, il y a toute la période d'installation, la période de rodage, puis après ça, la période d'optimisation de la ligne de production. Alors, on peut aller, dans ce cas-là, on est allés jusqu'à 2 ans de moratoire. Donc, l'entreprise a le choix, pendant 2 ans, de payer des intérêts seulement, puis de commencer ses remboursements de capitaux lorsque l'investissement va générer des flux monétaires pour elle. Ça, c'est une flexibilité qu'on offre. Il y a aussi le financement à 100 % de l'investissement. Ça, ça permet encore une fois que les capitaux soient maintenus à l'intérieur du fonds de roulement et qu'ils préservent le fonds de roulement. Il y a aussi la possibilité de faire des remboursements en fonction de la performance de l'entreprise. C'est-à-dire, l'entreprise prévoit que les flux monétaires vont être optimaux dans 2 ans, 36 mois. Nous, on offre la possibilité, que si jamais les flux monétaires sont excédentaires, de rembourser le prêt plus rapidement. Comme ça, il y a une diminution des charges d'intérêt. Puis les intérêts, eux, ça affecte directement le bénéfice net de l'entreprise. Alors ça, c'est de la profitabilité pour une entreprise.
Katerine-Lune : Martin, parlez-moi de votre relation avec Nicolas. Comment Nicolas vous a aidé dans vos projets de croissance?
Martin : Nicolas est à l'écoute. Nicolas est très innovateur, flexible. Il trouve le bon angle pour présenter à son équipe interne. Il n'a pas juste le côté business. Pour moi, ça, c'est quelque chose que je recherche beaucoup quelqu'un qui n'est pas juste en train de regarder des chiffres, parce que c'est facile de faire dire n'importe quoi à des chiffres. Donc, on aime bien qu'il y ait une relation humaine avant toute chose. C'est ce qu'on a avec l'équipe de Desjardins.
Katerine-Lune : Peut-être, en terminant, avez-vous des conseils à donner aux entrepreneurs? Est-ce qu'il y a, par exemple, des erreurs à éviter?
Martin : Ne jamais aller voir son directeur de compte au moment où il y a un gros orage à l'extérieur. Toujours aller voir quand il fait soleil. Donc, c'est une image, mais quand vous êtes en profit et en croissance, c'est que ça va bien. Allez chercher plus d'argent maintenant, trouvez-vous un nouveau projet maintenant. S'il fait un peu moins beau dans 1 an ou 2, attendez que l'orage passe. Ça, c'est mon conseil de base pour bien travailler avec les institutions financières.
Katerine-Lune : Nicolas, êtes-vous d'accord?
Nicolas : Je vous dirais que, en réalité, chez Desjardins, notre rôle, ce n'est pas juste d'être l'accompagnateur lorsqu'il fait beau mais aussi lorsqu'on a besoin d'un parapluie. Puis ça, je l'ai vu à travers les années, Desjardins offre une flexibilité à ses membres et clients. C'est sûr que les chiffres, c'est important. Mais, encore une fois, une entreprise qui vit un soubresaut ou qui vit une, deux ou même trois années où il y a un contexte plus difficile, peu importe l'enjeu qui a causé la situation difficile, si on sent que l'entrepreneur nous tient informés. D'ailleurs, c'est un peu le rôle du directeur de compte encore une fois d'être à proximité de son entrepreneur et de comprendre les enjeux de l'entreprise. Tout s'explique. Alors, c'est sûr qu'il va y avoir un accompagnement différent dans ces cas-là, mais clairement que le directeur de compte, on a justement cette responsabilité-là d'accompagner l'entreprise autant dans sa croissance que quand il y a des moments plus difficiles.
Katerine-Lune : Merci pour vos précieux conseils, messieurs. Au nom de tous les écoliers, sportifs et travailleurs qui apprécient une bonne barre comme collation, Martin, on vous souhaite d'atteindre vos objectifs de croissance et de produire, en 2022-2023, 200 millions de barres annuellement. Martin Joyal et Nicolas Mathieu, merci de votre passage à Libres échanges.
Martin : Merci, Katerine-Lune, c'était super le fun. Puis à la prochaine Nicolas.
Nicolas : À la prochaine, merci.
Katerine-Lune : Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 8 – Repreneuriat : comment concilier les aspects humain et financier?
Quand on prend la relève d'une entreprise, le processus est très similaire à une acquisition. Il y a l'étape de financement, la négociation, la transaction et la transition. Mais reprendre une entreprise existante, c'est aussi hériter d'une organisation avec une culture, des employés et des processus bien ancrés. Et c'est pourquoi l'humain derrière la transaction est d'une importance capitale.
Richard : De prendre le temps de rassurer, d'informer les gens, de diagnostiquer, de prendre des décisions, mais de manière graduelle, dans une certaine séquence.
Caroline : En fait, mon approche a été des plus simples. Je me suis vraiment assise avec les gens et j'ai pris le temps de les écouter.
Katerine-Lune : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises, où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat. Dans ce 8e épisode, je parle de repreneuriat avec 2 invités. Bonne écoute! Quand on prend la relève d'une entreprise, le processus est très similaire à une acquisition. Il y a l'étape de financement, la négociation, la transaction et la transition. Mais reprendre une entreprise existante, c'est aussi hériter d'une organisation avec une culture, des employés et des processus bien ancrés. Et c'est pourquoi l'humain derrière la transaction est d'une importance capitale. Pour y voir plus clair sur le sujet, j'en discute avec Caroline Brunelle, PDG de Pénéga Communication, et Richard Quinn, directeur principal Transfert d'entreprise chez Desjardins Entreprises. Bonjour à vous deux.
Richard : Bonjour.
Caroline : Bonjour.
Katerine-Lune : Tout d'abord Caroline, voulez-vous nous parler des services de votre entreprise?
Caroline : Oui, absolument. En fait, Pénéga est une agence boutique. On fait un petit peu le 360 du marketing traditionnel et numérique aujourd'hui. On est capables d'accompagner les gens autant pour leur identité de marque, la promotion, mais également le développement d'applications de sites web ou de portails opérationnels sur mesure.
Katerine-Lune : Richard, vous êtes spécialisé depuis 16 ans en transfert d'entreprise, dont 10 ans chez Desjardins. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre rôle?
Richard : En fait, je dirige une équipe d'une dizaine de personnes qui accompagnent notre réseau de directeurs de comptes qui transigent avec les clients pour des transferts d'entreprises. On accompagne, parfois, des clients directement via notre directeur de comptes. On a développé une démarche en quelques étapes, en 4 étapes en fait. Ça nous permet de présenter ces étapes-là à nos clients. Finalement, les guider à travers ce processus-là et via notre métier : planification financière, conseils juridiques, fiscaux et le financement de la transaction. On agit comme experts dans ces spécialités-là et comme un guide dans les autres spécialités.
Katerine-Lune : Richard, on a eu un épisode précédent sur l'acquisition d'une entreprise. C'est quoi la différence avec le repreneuriat?
Richard : Le repreneuriat, dans son sens large, c'est en fait une transaction entre un repreneur et un cédant. Il y a une volonté d'assurer la pérennité de l'entreprise, c'est une volonté qui est commune. On voit vraiment ça dans tous les cas. Mais comme une acquisition, il y a un transfert de gestion et il y a un transfert de propriété également.
Katerine-Lune : Et quels sont les différents types de repreneuriat possibles?
Richard : Évidemment, il y a le repreneuriat interne. Donc, les employés, je dirais que c'est la forme la plus utilisée, celle qu'on voit le plus. Il y a, évidemment, le transfert familial, donc la relève familiale, il y en a quand même pas mal aussi. Le tissu économique au Québec, c'est beaucoup d'entreprises familiales. Puis il y a les acquéreurs externes, donc ceux qui ont une expertise, qui décident d'acheter une entreprise, donc s'intégrer. Ce sont les 3 grandes formes, je dirais, qui sont utilisées.
Katerine-Lune : Vous, Caroline, vous êtes une repreneuse externe à Pénéga. Pouvez-vous nous raconter comment ça s'est passé?
Caroline : C'est surtout une opportunité de marché, je pense, qui s'est présentée pour la réalisation de la transaction. Les anciens propriétaires de l'agence souhaitaient prendre leur retraite. On se connaissait d'avant parce que j'étais initialement cliente chez Pénéga. J'avais une bonne idée, par exemple, de l'offre de services de l'agence. À la suite de discussions, ils ont mis sur la table le fait que, justement, ils voulaient faire une transition. On s'est parlé à plusieurs reprises. Il y a eu une longue période de négociations. Ensuite, on a convenu de l'entente qui nous a menés à officialiser la transaction.
Katerine-Lune : Et auparavant, vous travailliez dans une institution financière. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'être entrepreneure?
Caroline : J'ai tout le temps évolué dans un contexte soit entrepreneurial ou intrapreneurial. Mes grands-parents, en fait, ont été impliqués dans l'entrepreneuriat. J'ai toujours baigné aussi dans un environnement où les familles étaient un peu impliquées dans ce modus operandi. J'avais, en fait, la confiance de dire, je pense que je suis capable de faire quelque chose avec une entreprise. Puis en faisant un saut quand on est solo là-dedans, c'est sûr que, des fois, on a des petits doutes et tout ça. Mais les choses faisaient en sorte que j'avais une bonne base. J'ai eu aussi une bonne formation de mon ancien emploi, qui va toucher le volet un petit peu plus intrapreneur. Donc, je suis sûre que c'était comme si c'était une petite PME à l'intérieur d'une grosse corporative. Alors, ayant eu la chance de toucher à pas mal toutes les sphères d'activités que comprenait la gestion d'un secteur d'affaires, ça me donnait déjà une bonne base pour reprendre une entreprise.
Katerine-Lune : Alors justement, parlons-en des étapes à franchir. Richard, voulez-vous nous les décrire?
Richard : Évidemment, il faut en trouver une. La première chose, c'est de définir une cible. D'établir un lien de confiance avec les vendeurs pour obtenir de l'information, pour apprendre à connaître l'entreprise comme telle. Par exemple, les états financiers, le portrait de l'entreprise, les listes de clients, etc. pour apprendre à bien cerner cette entreprise-là. Il faut définir un prix, faire une lettre d'intention. C'est de démontrer son intérêt, un prix payé, différentes conditions. Il y a une période de négociation. Caroline pourra sûrement en parler. Souvent, une période de négociation avec des hauts et des bas. C'est toujours comme ça ou à peu près. Finalement, lorsqu'il y a acceptation de la lettre d'intention, tout le processus s'enclenche. Par exemple, la vérification diligente, de réunir le financement. C'est tout le temps assez pointu. Il y a pas mal de travail à faire de ce côté-là.
Katerine-Lune : Caroline, parlez-nous de votre relation avec Richard. Comment il vous a accompagné? Et est-ce que vous avez fait appel à d'autres professionnels?
Caroline : C'est un peu une recherche de la meilleure équipe d'experts. Ensuite de ça, l'équipe de Richard a su me mettre en confiance. Ça a été, je pense, vraiment une sélection d'une équipe avec laquelle on est confortable, qui comprend bien la réalité, qui vous connaît un petit peu aussi, au minimum. Après ça, c'est sûr et certain que c'est une offre monétaire, donc c'est une décision aussi qui a un peu de rationalité dans la balance. Je pense que c'est important d'être avec des gens avec qui on peut échanger, qui comprennent aussi la réalité de la transaction. C'est sûr que la négociation a ses hauts et ses bas. C'est important d'être bien entouré quand il y a des bas.
Katerine-Lune : Et justement, dans ces bas-là, qui vous accompagnait?
Caroline : Il y a les gens qui sont avec nous pour le secteur financier. Il y avait un directeur de comptes qui était, entre autres, du côté de l'équipe de Richard, qui était là pour valider les hypothèses, répondre aux questions du domaine un petit peu plus financier ou juste aligner la transaction. Parce que quand on est plus ou moins confortable, il y a une différence entre entendre parler d'une transaction de reprise de possession d'entreprise, puis de la vivre. Ce sont des documents légaux, c'est sujet à interprétation. Donc, on veut que tout soit limpide, que ça soit clair. Pour ma part, j'avais un fiscaliste aussi qui m'aidait au niveau de tout ce qui était la fiscalité de la transaction.
Katerine-Lune : Richard, dans toutes ces étapes-là, est-ce qu'il y a des signaux d'alarme à écouter?
Richard : Un des signaux d'alarme, c'est de payer trop cher, puis c'est de financer de manière trop importante avec peu de flexibilité au montage financier. Pour moi, c'est de mettre beaucoup de stress sur l'équipe et l'entrepreneur comme tel. On a été en mesure avec Caroline, sa façon de négocier, elle nous a écoutés aussi, je pense, pas mal. On a trouvé un bon équilibre dans sa transaction. Moi, ça me rendait quand même un peu inquiet pour elle. En fait, une chose qu'on ne veut pas c'est de créer des problèmes pour notre relève, finalement. C'est beaucoup ça qu'on regarde. Le signal d'alarme, le prix. Je dirais, les relations humaines entre les individus, ça, c'est un signal d'alarme qu'il faut tout le temps regarder. Parce qu'en bout de piste, c'est une transaction entre des personnes. Cet aspect-là est très important. Évidemment, l'aspect financier, de bien attacher cette transaction-là.
Katerine-Lune : C'est quoi les plus grands défis que les repreneurs peuvent rencontrer?
Richard : Au lendemain de la transaction, si ça ne se passe pas comme prévu. Par exemple, la perte d'un client, ça arrive. Des changements de conditions avec un client, ce sont des choses qu'on va voir. Même chose avec des fournisseurs, des fournisseurs qui avaient des conditions particulières pour l'entreprise et qui, du jour au lendemain, décident de renégocier ces conditions-là pourraient avoir un effet important sur la trésorerie, par exemple. Ou le départ d'un employé clé ou d'un groupe d'employés clés. Des gens qui pensaient être élus comme relève d'entreprise, ça arrive souvent. Ils sont insatisfaits au lendemain de la transaction. Évidemment, ça peut faire mal à une équipe quand ça se produit.
Katerine-Lune : Caroline, est-ce que vous avez rencontré des défis auxquels vous n'étiez pas préparée?
Caroline : Pas particulièrement. Je pense que le fait que, justement, j'ai passé quelques mois avant la transaction à l'intérieur de l'entreprise. J'ai eu une bonne lecture, je pense, de ce qui se passait, des actions que j'allais devoir prendre pour optimiser et opérationnaliser le changement de culture, puis potentiellement aussi la gestion opérationnelle qui est différente aujourd'hui. Mais je n'ai pas eu de grandes révélations à la suite de la transaction de par ce parcours-là.
Katerine-Lune : Parlons du processus de négociation. Comment ça s'est passé pour vous?
Caroline : C'est très émotif pour les vendeurs. C'est une entreprise qui existait depuis 25 ans. C'était, effectivement, la signification d'une retraite confortable pour les vendeurs. C'est quelque chose qui est émotionnel et qui n'est pas rationnel. Alors que pour moi, c'était un calcul, c'est financier. Oui, il y a tout ce qu'on veut en faire, puis l'addition et tout ça, mais quand on est rendu vraiment dans la signature du contrat, on n'est pas là-dedans du tout. On est vraiment dans des choses : combien ça coûte? Qu'est-ce que ça va me rapporter? C'est quoi mon taux d'intérêt? C'est quoi ma rentabilité là-dedans? On est dans des choses plates, mais c'est ça pareil.
Katerine-Lune : Richard, est-ce que le cas de Caroline est unique ou ça ressemble souvent à ça?
Richard : C'est très souvent comme ça. On est dans une génération de fondateurs encore. Ce sont des transferts de première génération et ces bâtisseurs-là qui ont passé 30-40 ans à bâtir une entreprise, ils ont cet attachement. C'est vrai que parfois, ils voient une valeur beaucoup plus grande que sa vraie valeur au marché. Parfois c'est l'inverse aussi. Ça arrive très souvent. Mais le contexte émotionnel est tout le temps à peu près le même. Ça prend une stratégie, ça prend une approche. Je pense que Caroline a été quand même pas mal patiente. Elle a pris son temps. Puis je dirais que c'est la bonne chose à faire, il faut que les gens cheminent à une certaine vitesse. Il faut s'adapter aussi à cet état de fait.
Katerine-Lune : Avez-vous des conseils pour assurer une transition en douceur?
Richard : C'est d'identifier les leaders. Les leaders, souvent informels, qu'il y a à l'intérieur de l'entreprise, il faut en faire des alliés. On a tout le temps des personnes avec lesquelles on a le plus d'affinité, on est plus proche, qui nous écoutent, mais qui ont une aura à l'intérieur de l'entreprise. Ça, c'est très important de les identifier.
Katerine-Lune : Justement Caroline, parlez-nous de votre relation avec les employés. Comment vous êtes-vous positionnée comme nouvelle propriétaire?
Caroline : En fait, mon approche a été des plus simples. Je me suis vraiment assise avec les gens, puis j'ai pris le temps de les écouter. Après ça, on a fait des rencontres d'équipe, puis j'ai voulu tout de suite prendre le pouls concret de ce qui se passait, comment ils vivaient leur quotidien. C'est sûr et certain, en allant chercher l'aval et en les faisant participer à ce changement-là, j'ai eu beaucoup plus de facilité à faire passer certains messages ou juste à leur expliquer la vision : c'est quoi nos objectifs? Qu'est-ce qu'on fait à partir d'aujourd'hui? Rassurer aussi parce qu'un transfert d'entreprise, puis un changement de management souvent peuvent être synonymes de mise à pied, de gros changements ou de restructuration massive. Ce n'était vraiment pas ça le but. Mon but en reprenant Pénéga, c'était de poursuivre le bon air d'aller de l'entreprise. Donc l'idée était de capitaliser sur les forces qu'on avait en place, puis après ça dire : il n'y a rien qui est parfait dans la vie de toute manière. À partir de ce moment-là, quels aspects devons-nous améliorer? Puis on va les prendre un à un, c'est une bouchée, puis on va le franchir ensemble.
Katerine-Lune : Richard, quand on fait un repreneuriat, mais d'une entreprise qui serait justement une usine ou qui vend de la marchandise, est-ce qu'il y a des étapes qui sont différentes?
Richard : En fait, c'est la même chose ou presque. C'est peut-être le profil des individus qui est un peu différent. Une transaction, ce sont des humains, donc il y a des employés, il y a des partenaires de l'entreprise, il y a des clients, des fournisseurs. Toutes ces personnes-là sont impactées par la transaction comme telle. De prendre le temps, de rassurer, d'informer les gens, de diagnostiquer, de prendre des décisions, mais de manière graduelle, dans une certaine séquence. Dans toutes les transactions, ça doit être fait de cette façon-là. En fait, il n'y a pas de différence tant que ça, à l'exception que dans une boîte de communication, ce sont des créatifs. Évidemment, oui, il y a beaucoup d'émotions, mais en bout de piste, ce sont des personnes quand même, c'est la même chose d'un transfert à un autre.
Katerine-Lune : Caroline, ça serait quoi les qualités d'un bon entrepreneur ou d'une bonne entrepreneure dans votre cas?
Caroline : Déjà, l'empathie comme je l'ai dit tout à l'heure. Me mettre à la place des gens et être là pour faciliter leur quotidien, c'est sûr et certain que ça fait partie de ma façon de voir et de gérer les choses. Ma job à moi, c'est de faciliter la leur. Alors, j'essaie de faire un maximum pour que les choses soient fluides, puis qu'ils aient l'environnement pour pouvoir travailler. C'est beaucoup d'organisation, surtout dans l'entrepreneuriat. Il y a tellement de choses qu'on doit gérer qu'on ne voit pas nécessairement quand on est dans un domaine corporatif parce qu'il y a plein de choses que la grosse machine gère pour nous. Même si on a un bon background, des fois, on a des petites surprises sur des petites choses opérationnelles qui viennent dans le quotidien. Également, je pense que si, justement, cette espèce de machine là roule bien, ça fait en sorte que ça fait moins de pression sur le quotidien. Ça donne plus de temps pour travailler sur les choses qui ont une valeur ajoutée.
Katerine-Lune : Et comment avez-vous contribué à mieux organiser l'entreprise?
Caroline : L'organisation est un bon point. En étant nouvellement arrivée et tout ça, on a un nouveau regard sur les activités. C'est sûr que moi, j'ai fait un certain constat aussi. Par mon expertise passée, il y a certaines choses qui devaient être optimisées pour faire mieux rouler la machine. Ensuite de ça, il y a de nouveaux outils qui se sont développés. Quand on est trop proche de l'entreprise, je pense qu'il y a peut-être des questions qu'on ne se pose pas nécessairement parce que les choses fonctionnent, ça roule, on réussit à faire de beaux succès et tout ça. Pourquoi on se questionnerait systématiquement sur des choses qu'on fait depuis x nombres d'années? Moi, ça m'a permis de faire certains virages pour optimiser des choses, rationaliser certaines opérations, d'avoir moins de pertes de temps sur tout ce qui était manuel. Je pense que ça aussi, c'est un contexte que peu importe dans quelle industrie on est sur le marché, il y a un virage qui se fait actuellement sur ce qui se faisait de façon manuelle, systématique et tout ça. Est-ce qu'on peut automatiser des choses? Donc, autant la petite PME que la grosse entreprise corporative peuvent bénéficier, je pense, de ces petits coups de pouce là.
Katerine-Lune : Richard, qu'est-ce que ça serait un bon ou une bonne entrepreneure selon vous?
Richard : Je dirais que tous les bons entrepreneurs ont cette qualité-là, les qualités humaines d'écoute avec les gens. Une capacité de faire travailler les gens ensemble. Ça, c'est souvent les leaders qu'on appelle. C'est difficile à définir, mais les gens l'ont en eux et ils ont une vision, ils sont capables de la communiquer. Les gens ont le goût de te suivre. Ça prend ça. Évidemment, ça prend une connaissance en gestion. Ça prend de l'expérience, il faut avoir un certain vécu. Être bien entouré pour faire sa transaction et aussi par la suite. Le vrai travail commence le jour où tu l'acquiers. On ne veut pas l'acheter pour la garder comme elle est. On veut la développer et mettre sa couleur. Ça prend des gens qui ont des idées, qui ont le goût de les exécuter, les mettre en œuvre. Un bon entrepreneur c'est quelqu'un qui est dynamique. En bout de piste, il a des qualités humaines, mais aussi dynamiques, une vision, il est dans l'action, finalement. Donc, ça entraîne les gens avec eux.
Katerine-Lune : Quand vous regardez un dossier, Richard, puis que vous voyez que quelqu'un a déjà eu des échecs professionnels, est-ce que c'est un plus pour vous?
Richard : Oui, ça peut être un plus. Si les gens se sont relevés, pour moi, ce sont des gens de caractère. Pour être entrepreneur, ça prend ça. Il faut être capable de faire face à l'adversité. Ce sont des choses que, moi, je regarde vraiment dans la feuille de route de l'individu. C'est quelque chose sur lequel je veux en savoir plus. Comment ça s'est passé? Comment tu t'es relevé? Qui t'a aidé? Comment tu t'es entouré? Pour moi, ça me permet de voir si la personne va être capable de reproduire ce genre de comportements-là s'il arrive un problème, un recul quelconque. La perte d'un client, par exemple, ou d'employés clés, comment cette personne-là va se relever de cet échec-là ou de ce recul-là, finalement.
Katerine-Lune : En résumé, on voit à quel point le succès du repreneuriat dépend des qualités humaines de la personne qui est derrière la transaction. En tout cas, les employés de Pénéga ont beaucoup de chance d'avoir une leader comme vous, Caroline, aussi empathique et à l'écoute.
Caroline : Merci beaucoup.
Katerine-Lune : Caroline Brunelle, Richard Quinn, merci beaucoup d'avoir participé à Libres échanges.
Richard : Merci beaucoup.
Caroline : Merci.
Katerine-Lune : Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 7 – Acquisition d'une entreprise : comment s'y préparer?
23 décembre 2021 – Que ce soit pour acheter un compétiteur, conquérir d'autres marchés ou augmenter sa production, faire l'acquisition d'une entreprise nécessite une préparation méticuleuse. Pour discuter de ce processus complexe, je m'entretiens avec 3 invités qui s'y connaissent en la matière : Mathieu Ouellet, PDG de Ressorts Liberté, qui a lui-même acquis une entreprise en 2021, ainsi que 2 intervenants chez Desjardins Capital, Yanick Dionne, directeur Investissement, et Maude Lemieux, vice-présidente Investissement et développement de métier.
Yanick : Avec le manque de main-d'œuvre qu'on vit actuellement, des acquisitions deviennent intéressantes autant au niveau d'effectifs humains que d'effectifs matériels.
Maude : C'est important, effectivement, de bien identifier les cibles. Et ça, ça découle souvent d'un exercice de réflexion du PDG en collaboration avec son comité consultatif.
Mathieu : Mais en se reportant toujours à la stratégie, on se rappelle l'importance de la transaction et on laisse de côté les éléments irritants qui ont moins d'impact sur le résultat final.
Katerine-Lune : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises, où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat. Aujourd'hui, je rencontre 3 invités pour parler du processus d'acquisition d'une entreprise. Bonne écoute! Que ce soit pour acheter un compétiteur, conquérir d'autres marchés ou augmenter sa production, faire l'acquisition d'une entreprise nécessite une préparation méticuleuse. Pour discuter de ce processus complexe, je m'entretiens avec 3 invités qui s'y connaissent en la matière : Mathieu Ouellet, PDG de Ressorts Liberté, qui a lui-même acquis une entreprise en 2021, ainsi que 2 intervenants chez Desjardins Capital, Yanick Dionne, directeur Investissement, et Maude Lemieux, vice-présidente Investissement et développement de métier. Ensemble, on se penche sur les éléments à considérer avant, pendant et après une acquisition. Bonjour à vous trois.
Mathieu : Bonjour.
Yanick : Bonjour.
Maude : Bonjour.
Katerine-Lune : Alors, peut-être Mathieu, on peut commencer avec vous. Qu'est-ce que c'est que Ressorts Liberté?
Mathieu : Ressorts Liberté, c'est une des plus grandes entreprises de fabrication de ressorts en Amérique du Nord. On fabrique des ressorts surtout pour l'automobile, mais aussi pour les véhicules récréatifs. On dit parfois, pour le plaisir de le dire, qu'une voiture sur deux dans le monde a un ressort de Ressorts Liberté.
Katerine-Lune : On a aussi avec nous Yanick et Maude, qui travaillent chez Desjardins Capital. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu quel est votre rôle? Maude, on commence avec vous?
Maude : J'ai le bonheur de travailler avec un groupe de professionnels, de directeurs à l'investissement comme mon collègue Yanick, qui, eux, dans leur quotidien, accompagnent les entrepreneurs dans leurs projets de croissance et de transfert d'entreprise.
Katerine-Lune : Yanick.
Yanick : Bonjour. Moi, je suis directeur investissement pour la région de la Rive-Sud de Québec. Je m'occupe de financement en équité ou en dette non garantie pour les PME du territoire. Mon lien avec Mathieu Ouellet est établi depuis le printemps 2019, où on a collaboré à la première transaction de Ressorts Liberté.
Katerine-Lune : Mathieu, parlons de cette acquisition que vous avez faite en 2021, c'est Elka Suspension. Pourquoi votre choix s'est arrêté sur cette entreprise?
Mathieu : On avait, déjà depuis un certain temps, gardé un œil sur Elka Suspension parce qu'au niveau stratégique, pour nous, c'était intéressant d'étendre un peu notre portefeuille de produits. Aussi, pour l'introduction d'un nouveau produit qu'on prévoit lancer sur le marché en 2022, c'était une bonne plateforme pour nous, pour lancer ce produit-là. On avait, déjà en 2019, commencé à regarder cette entreprise-là. On l'avait identifiée comme une potentielle acquisition. Et c'est seulement en 2021 qu'on a finalement eu la nouvelle à l'effet qu'ils seraient intéressés peut-être à parler avec nous.
Katerine-Lune : Yanick, quels sont les éléments à considérer quand on souhaite acquérir une entreprise? Est-ce qu'il y a des critères de sélection qui nous aident à arrêter notre choix sur une entreprise plus qu'une autre?
Yanick : C'est important d'établir, dès le départ, c'est quoi nos cibles d'acquisition. Pas nécessairement d'avoir des noms de cibles, mais plus des grandes bases. Se maintenir 4 ou 5 objectifs de cibles bien précises, par exemple, géographiquement : où est-ce qu'elles doivent être situées? Est-ce qu'on vise un nombre d'employés précis, un produit précis, une technologie précise? Alors, c'est bon d'établir les premiers critères lorsqu'on vise une cible.
Katerine-Lune : Si je comprends bien, les entreprises ont souvent un objectif bien précis en tête lorsqu'elles décident de faire une acquisition. Est-ce que ça peut être pour combler leurs lacunes?
Yanick : En fait, c'est souvent une question de diversification. C'est une question aussi d'augmenter les effectifs. Avec le manque de main-d'œuvre qu'on vit actuellement, des acquisitions deviennent intéressantes autant au niveau d'effectifs humains que d'effectifs matériels. À la base, il y a plusieurs raisons pour faire une acquisition, mais la diversification est probablement la plus importante.
Katerine-Lune : Maude, parlez-nous des principales étapes avant d'acquérir une entreprise.
Maude : Pour donner suite un peu au commentaire de Yanick, je pense que c'est important, effectivement, de bien identifier les cibles. Et ça, ça découle souvent d'un exercice de réflexion du PDG en collaboration avec son comité consultatif ou son conseil d'administration. Par rapport à son plan stratégique vers où, vers quoi ils veulent croître, mais également l'élément des enjeux ou des éléments de risque que la gouvernance aime bien aussi avoir sur le radar. Est-ce que j'ai des risques quelque part? Est-ce que je devrais faire une acquisition qui viendrait un peu atténuer ces risques-là? Donc, il y a une très grande réflexion à faire sur le genre de cible d'acquisition qu'on devrait faire et bien se préparer. Parce qu'une fois qu'elle a été identifiée et qu'on veut se préparer à faire cette acquisition-là, bien évidemment, je pense qu'il faut tout prévoir et plus encore. Parce que même si on prévoit tout, il y a des choses qui vont survenir.
Katerine-Lune : Et vous, Mathieu, comment vous avez planifié votre acquisition?
Mathieu : On avait établi un plan stratégique en 2017, qui ouvrait la période 2017 à 2024. On s'est joint à Desjardins Capital et Investissement Québec. Ils ont été assez gentils pour nous laisser le choix de différents candidats pour le conseil d'administration. C'est-à-dire qu'on est allés chercher des gens avec des expériences qui allaient pouvoir nous supporter sur différents aspects. On avait des gens d'expérience en R et D, en introduction de produits sur le marché. On avait des gens plus expérimentés en acquisition, la pré-acquisition, des gens plus expérimentés avec la post-acquisition et différentes autres expériences. Quand on a présenté en 2019, pour la première fois, Elka Suspension comme une possible acquisition, on avait déjà commencé les discussions avec les gens. Quand est arrivée l'acquisition en 2021, il n'y avait pas trop de surprises, puis les gens étaient prêts à nous supporter dans l'exercice pour amener cette acquisition-là à un succès.
Katerine-Lune : Et Maude, pour ceux qui vendent, ceux qu'on appelle les cédants, est-ce qu'il y a aussi une préparation fiscale qui doit se faire en amont avant même de déclarer ou d'annoncer que l'entreprise est à vendre?
Maude : Il y a une très grande préparation à faire pour un président d'entreprise qui souhaite céder son principal actif, qui est bien souvent tout son fonds de pension qui est dans son entreprise. Il doit avoir une réflexion qui doit s'amorcer quelques années avant. Il doit avoir une réflexion à savoir quel genre de vente ou de sortie il va vouloir faire par rapport à son entreprise. Est-ce qu'il va vouloir la céder à des employés clés? Est-ce que ces employés clés sont prêts? Est-ce qu'on a échangé avec eux? Est-ce que non, finalement, pour différentes raisons, ça va être mieux d'y aller par une vente? Donc, lui, se préparer personnellement, je dirais avant tout, à vendre parce que lui-même, comme humain, a une préparation assez importante à faire. Mais aussi préparer sa relève et son équipe de direction à une éventuelle transaction.
Katerine-Lune : Vous, Mathieu, qui vous a épaulé dans le processus pendant l'acquisition?
Mathieu : On avait choisi une firme qui s'appelle DNA Capital. Avec eux, on a pu avoir l'aide qu'on recherchait pour la partie préoffre et la partie vérification diligente.
Katerine-Lune : Yanick, pouvez-vous nous parler du processus de vérification diligente? Qu'est-ce qu'on regarde à ce moment-là? Est-ce que c'est un peu comme l'inspection d'une maison avant de l'acheter?
Yanick : Oui, la comparaison est bonne. En fait, il y a plusieurs étapes en vérification diligente. On passe à peu près à travers tous les départements de l'entreprise que ce soit ses ressources humaines, son équipe de direction, son efficacité opérationnelle, ses achats, ses clients, ses fournisseurs, sa rentabilité, l'aspect fiscal et l'aspect légal de la corporation. C'est là qu'on peut parfois découvrir des squelettes dans les placards, puis on décide de reculer. Ou, finalement, on est capable de vivre avec peut-être cette imperfection-là, mais on se dit que l'entreprise est encore bonne, que la cible est toujours alléchante.
Katerine-Lune : Est-ce que cette étape-là peut nous permettre aussi de négocier un prix différent de ce qu'on avait prévu?
Yanick : Effectivement, ça arrive régulièrement que la vérification diligente soulève des questionnements qui vont nous amener à renégocier certaines modalités d'achat tant au niveau du prix que de la façon de payer.
Katerine-Lune : Durant le processus de négociation, il y a la question du prix, mais il y a aussi d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Mathieu, vous aviez une carte dans votre jeu qui a vraiment fait une différence pour Elka.
Mathieu : C'est certain que l'aspect d'être 2 entreprises québécoises a eu un impact sur le résultat. Je pense que pour nous, c'était important d'avoir une culture proche de la nôtre, mais aussi pour Elka Suspension et les 3 fondateurs d'Elka Suspension, Martin, Jean-François et Marc-André. Pour eux, c'était important aussi d'avoir une culture qui allait faire que le changement n'allait pas avoir un impact sur leurs équipes.
Katerine-Lune : Maude, qu'est-ce qui pourrait empêcher une transaction de passer?
Maude : Si on découvre, par exemple, des modèles d'affaires qui font en sorte qu'il y a une dépendance plus importante que ce qu'on croyait peut-être à un fournisseur et qu'on ne sent pas qu'on peut attacher ce fournisseur clé dans la transaction. Ça pourrait faire en sorte, à ce moment-là, que malgré tout l'investissement qu'on ferait, le modèle d'affaires ne serait plus soutenable. De découvrir peut-être que certaines synergies sont moins là. On découvre des choses qu'on doit revoir parce que la rentabilité qu'on pense faire par rapport à cet investissement-là ne sera pas aussi importante. Donc, on revoit à la baisse et, à ce moment-là, le vendeur d'entreprise se dit : j'avorte la transaction et je vais attendre un prochain tour.
Katerine-Lune : Qu'est-ce que c'est exactement une synergie, Maude?
Maude : Une synergie, c'est ce que l'entreprise identifie comme un gain possible. Un gain, ça peut prendre la forme simplement de couper un loyer, vendre un immeuble parce qu'il va pouvoir relocaliser ou réaménager ses usines. Ça peut être également un regroupement au niveau de l'achat de la matière première qui va lui permettre d'aller chercher des escomptes de volume. C'est vraiment un gain qui découle d'une transaction d'acquisition.
Katerine-Lune : J'imagine que le vendeur et l'acquéreur doivent passer par toute une gamme d'émotions au cours du processus d'acquisition, mais l'étape la plus stressante, c'est probablement la négociation. Je serais vraiment curieuse de vous entendre là-dessus tous les trois. Mathieu, on commence avec vous.
Mathieu : Je dois dire que dans notre cas, la négociation était quand même assez facile parce que la culture des 2 entreprises était assez proche l'une de l'autre. Ça s'est bien passé, je dirais, mais c'est sûr qu'il y a des moments où on a des doutes. Mais justement, des joueurs comme DNA Capital, Desjardins et Investissement Québec, qui en ont vu d'autres, sont là pour tempérer les choses et nous amener à voir l'essentiel de la transaction.
Katerine-Lune : Yanick?
Yanick : Je pense que le moment le plus stressant est souvent de déterminer ce qu'on veut obtenir à la clôture de la transaction. Parce que souvent, on a une date de clôture qui est ciblée. On essaie toujours de la respecter, c'est parfois difficile. Mais il faut bien s'entendre entre acquéreurs et vendeurs sur comment ils vont livrer le bilan de la société à la date de clôture. À quoi on s'attend comme niveau d'endettement? À quoi on s'attend comme niveau de fonds de roulement? Et ça, ce sont souvent des éléments un petit peu chatouilleux de la part du vendeur parce que le vendeur veut profiter au maximum de son gain. Ce sont des éléments de dernière minute qui sont souvent négociés dans les 2 ou 3 derniers jours avant la clôture chez les avocats. Donc, ça amène un certain niveau de stress.
Katerine-Lune : Maude, comment on fait pour bien gérer le stress qui vient avec une acquisition?
Maude : Pendant la revue diligente, à une journée x, l'équipe de vérification diligente, parfois composé d'employés de l'entreprise, découvrent quelque chose qui n'était pas nécessairement selon les attentes. Je pense qu'on joue un peu ce rôle-là aussi comme investisseur externe. On a ce recul-là. C'est de remettre en perspective ce qu'on souhaitait par cette acquisition-là. Quels enjeux on voulait atténuer? Qu'est-ce que ça nous donnait par rapport à notre plan stratégique et notre croissance? De revenir au neutre et dire : écoute, il y a cet élément-là, on aime moins ça. On le garde dans la mire. On peut l'atténuer, éventuellement, d'une certaine manière. On va mettre en place les synergies. Ça peut être ce que j'appelle une dissynergie, c'est-à-dire un coût au lieu d'être une synergie qu'on découvre. On va peser le pour et le contre et on va le mettre dans notre plan de suivi.
Katerine-Lune : Mathieu, est-ce qu'il y a des enjeux auxquels vous n'aviez pas pensé au départ, qui vous ont fait vivre des montagnes russes?
Mathieu : Oui, en effet. Dans le processus de négociation, c'est sûr qu'à certains moments donnés, on se posait des questions sur différents éléments qui ont été découverts durant la revue diligente. Mais en se reportant toujours à la stratégie, on se rappelle l'importance de la transaction et on laisse de côté les éléments irritants qui ont moins d'impact sur le résultat final.
Katerine-Lune : Est-ce qu'il y a des éléments importants à ne pas oublier d'inclure pendant la négociation?
Maude : Je pense que c'est important de s'assurer que notre équipe de direction, les employés clés, vont rester dans l'entreprise qu'on acquiert, surtout s'ils font partie des synergies, je dirais, stratégiques. On voit encore plus ces temps-ci des acquisitions pour permettre à nos entreprises en croissance de pouvoir justement répondre à leurs besoins de fabrication. Ils acquièrent d'autres entreprises parce qu'ils ont le carnet de commandes assez garni et il leur manque de la capacité de production pas nécessairement de la machine, mais des employés. Alors, c'est important de s'assurer en cours de processus de comment on veut faire cette intégration-là. S'assurer que ces employés-là vont rester avec nous par la suite et d'être le plus transparent possible dans nos négociations à cet égard-là.
Katerine-Lune : Mathieu, quels sont les éléments que vous mettez en place pour vous assurer une transition en douceur?
Mathieu : On a établi, même avant la conclusion de la négociation avec les vendeurs, un processus de transition qui se faisait sur plusieurs mois, années, dépendamment des étapes, de façon à bien couvrir le transfert de responsabilité sur certains sujets, de bien couvrir des risques qui ont été identifiés au moment de la revue diligente. Toutes ces actions-là sont mises en place pour nous aider à bien suivre le processus de transition après la transaction.
Katerine-Lune : Yanick, une fois que la transaction est acceptée, quelles sont les prochaines étapes?
Yanick : En fait, il faut voir si on suit le plan. Il faut voir la collaboration entre les vendeurs et les acquéreurs et si tout se passe bien. Il faut s'assurer que les employés demeurent de bonne humeur, qu'on n'ait pas de perte d'emploi. Le suivi du plan est important, le suivi de la collaboration des gens, de l'implication des bonnes personnes. S'assurer qu'on garde de bonnes relations avec nos clients et nos fournisseurs. Qu'ils ne soient pas stressés par le fait qu'il y ait un nouveau propriétaire. L'élément humain est très important.
Katerine-Lune : Maude, finalement, il y a de nouveaux propriétaires qui arrivent. Comment on fait pour que la culture d'entreprise, le passage d'une forme de gestion à une autre se passe bien?
Maude : Je pense que ça peut être un exercice qui se fait un peu en amont. De faire des sondages au niveau de nos employés, de notre propre usine sur la perception qu'ils ont à l'égard de la direction pour pouvoir corréler ou trouver les écarts et les adresser avant. Il y a des styles de leadership très différents. Alors, il peut y avoir, des fois, un acquéreur et un vendeur qui s'entendent très bien. Ils pensent qu'il y a un fit naturel, mais leur style de leadership et la manière qu'ils étaient avec leurs employés respectifs est différente. C'est important de s'assurer de ça et de l'adresser. De ne pas avoir peur de communiquer adéquatement et d'adresser ces éléments-là, d'écouter ce qu'ils ont à dire, je pense que c'est primordial.
Katerine-Lune : En conclusion, auriez-vous un conseil à donner aux gens qui souhaitent vendre ou acheter une entreprise? On commence avec vous, Maude.
Maude : Il faut commencer par une belle planification stratégique. Identifier où il y a des risques dans notre modèle d'affaires. Comment on pourrait les atténuer en faisant une acquisition. Ou, si on a un objectif de forte croissance, cibler avec une acquisition qui viendrait répondre à nos objectifs de croissance.
Katerine-Lune : Yanick?
Yanick : Bien s'entourer. Trouver les bons professionnels pour nous aider. Ne pas avoir peur de discuter avec nos partenaires, de discuter avec notre conseil d'administration, les bons coups, les mauvais coups et d'être très transparent. Puis de mentionner que c'est une décision d'équipe qu'on prend, c'est pour le bien-être de la société qu'on la prend. Ne pas trop tomber en amour vite. Parfois, prendre un pas de recul pour mieux évaluer la situation.
Katerine-Lune : Mathieu?
Mathieu : Quand on arrive à la négociation finale, c'est se rappeler qu'on est tous des humains. On veut avoir du succès, on veut aider nos équipes en même temps. À la fin de la journée, c'est 2 personnes ou plusieurs personnes qui s'entendent sur une aventure qu'elles vont commencer ensemble.
Katerine-Lune : Ah! C'est beau ce que vous dites! C'est vrai que d'une certaine façon, l'acquisition, c'est une forme d'union. Plus nos attentes sont claires, mieux c'est pour la suite. Mathieu Ouellet, Yanick Dionne et Maude Lemieux, merci beaucoup d'avoir participé à Libres échanges.
Maude : Merci
Mathieu : Merci, Katerine-Lune.
Yanick : Merci.
Katerine-Lune : Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 6 – Croissance exponentielle : comment y faire face?
25 novembre 2021 – Lorsqu'une entreprise grandit à une vitesse fulgurante, ça vaut le coup de s'outiller pour maintenir une saine expansion. Comment s'y prendre pour assurer une bonne planification à travers ces changements de taille? Pour répondre à cette question, Katherine-Lune s'entretient avec Frédéric Soucy, président de Soucy Industriel, Bernard Sozio, directeur de comptes développement des affaires et Stéphane Pageau, vice-président comptes majeurs chez Desjardins Entreprises.
Frédéric : Mon entreprise a explosé. On a multiplié nos ventes par 6 de juin à septembre.
Bernard : La planification, on ne le dira jamais assez, mais planifier, avoir suffisamment de ressources, ressources humaines, ressources financières, les équipements.
Stéphane : C'est bien beau dégager 5 millions de profit à la fin d'une année, mais si ce 5 millions-là est en inventaire dans les tablettes, il n'est pas dans le compte de banque.
Katerine-Lune : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat.
Aujourd'hui, je rencontre 3 invités pour parler de gestion d'entreprise en croissance exponentielle. Bonne écoute.
Quand l'entreprise grandit à vitesse grand V, ça vaut le coup de s'outiller pour maintenir une saine expansion. Donc, comment s'y prendre pour assurer une bonne planification à travers ces changements de taille? C'est ce dont je vais discuter avec Frédéric Soucy, président de Soucy Industriel, Bernard Sozio, directeur de comptes développement des affaires et Stéphane Pageau, vice-président comptes majeurs chez Desjardins Entreprises.
Bonjour à vous trois.
Benoit : Bonjour. Merci de nous recevoir.
Homme 1: Bonjour.
Homme 2 : Bonjour.
Homme 3 : Bonjour.
Katerine-Lune : Frédéric Soucy, vous êtes président de Soucy Industriel, une entreprise familiale de 4e génération à Rivière-du-Loup qui compte plus de 250 employés. Et depuis 10 ans, vous avez doublé 3 fois votre chiffre d'affaires. Donc, on peut vraiment parler de croissance exponentielle.
Est-ce que le rôle de votre entreprise c'est de répondre présent quand il y a un problème mécanique sur un grand chantier ou dans une mine?
Frédéric : Oui, c'est pas mal notre devise! C'est d'arriver avec des solutions adaptées aux bris, aux besoins des différents clients dans le secteur industriel. Les équipements de production des grands donneurs d'ordre au Québec, même je vous dirais dans l'Est du Canada, c'est souvent de très grande taille. Ils ne peuvent pas les démonter puis les envoyer en usine les faire réparer. Ça fait que l'on déploie des équipes un peu partout dans l'Est du pays.
Ce n'est pas juste d'arriver puis déployer des ressources, déployer des travailleurs puis faire le travail. C'est vraiment s'arrêter puis trouver une solution qui va être optimale pour limiter l'arrêt de production des donneurs d'ordre.
Katerine-Lune : Bernard Sozio, vous êtes directeur de comptes développement des affaires, pour le centre financier aux entreprises du Bas-Saint-Laurent. Vous êtes aussi le directeur de comptes de l'entreprise de Soucy Industriel. Comment vous aidez Frédéric avec la gestion de son entreprise?
Bernard : Soucy Industriel, c'est une entreprise qui croit dans différents secteurs puis qui profite, comme Frédéric le disait, de toutes sortes d'opportunités, mais aussi qui fait des acquisitions, développe de nouveaux clients, développe de nouvelles technologies. Ça génère des besoins qui sont différents. Il doit mobiliser des ressources, il doit acquérir de la main-d'œuvre, la mobiliser.
Aller dans des marchés qui sont nouveaux pour lui, souvent, qui sont avec des conditions de paiement qui sont différentes. Donc, c'est de connaître le modèle d'affaires de l'entreprise, d'essayer de répondre le mieux possible avec nos produits financiers à ses besoins, l'aider à le faire croître à l'intérieur de ses opérations.
Katerine-Lune : Stéphane Pageau, vous êtes vice-président comptes majeurs, Est du Québec chez Desjardins Entreprises. Qu'est-ce qu'un compte majeur?
Stéphane : En fait, un compte majeur, ce sont des entreprises dont les besoins en financement sont supérieurs à la moyenne et qui ont besoin de services internationaux et de services bancaires différents. Alors, on est un peu la continuité des centres Desjardins Entreprise pour mieux accompagner les membres qui sont en croissance.
Katerine-Lune : Bernard, est-ce que vous voulez nous dire comment on définit une croissance exponentielle pour une entreprise?
Bernard : Dans la plupart des cas, les entreprises, quand elles sont à maturité, vont suivre l'inflation. Donc, habituellement, on parle de 5 % à 10 % de croissance. Mais lorsqu'on parle d'entreprises à croissance exponentielle, on parle de 15, 20, 25 % d'augmentation annuelle. Ce qui fait en sorte que sur une période de 5 ans, les chiffres d'affaires peuvent facilement doubler ou même tripler. Ça génère des besoins qui sont aussi exponentiels, qui ont des impacts sur l'entreprise, sa structure et ses besoins à court terme. Ce sont des défis.
L'entreprise doit s'ajuster à ces nouveaux environnements quotidiennement parce que la réalité d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a 2 ans. Donc, ça prend des gestionnaires expérimentés au niveau de l'entreprise et aussi un accompagnement au niveau des produits financiers.
Katerine-Lune : Et vous, Stéphane, c'est quoi votre définition d'une croissance exponentielle?
Stéphane : C'est comme partir en voilier pour traverser l'Atlantique. C'est un peu ça dans le fond, être entrepreneur. Et quand j'entends le mot exponentiel, je vois tout de suite dans ma tête des vagues de 60 pieds au lieu d'être un long fleuve tranquille. Alors, c'est la différence.
Katerine-Lune : Mais est-ce qu'il y a une différence à faire entre les types de croissance? Je pense par exemple à la croissance par acquisition ou la croissance interne. Est-ce que les défis sont les mêmes, peu importe le type de croissance?
Stéphane : Par acquisition, le défi, c'est plus les synergies, les cohérences du modèle d'affaires, payer le juste prix et l'intégration des nouvelles ressources. Tandis que lorsqu'on parle de croissance à l'interne ou par développement de nouveaux produits, on parle plus d'équipements, d'immobilisations, de ressources humaines, etc.
Katerine-Lune : Frédéric, votre entreprise célèbre cette année ses 90 ans. Vous, vous êtes le président depuis l'an 2000, mais il faut dire que ça a vraiment explosé à partir de 2010 et particulièrement 2013 parce qu'en 3 mois, vous avez multiplié votre chiffre d'affaires par six. Je pense qu'on peut vraiment parler d'une croissance exponentielle. Comment ça s'est passé?
Frédéric : Dans le fond, c'est notre plus gros client, ArcelorMittal, qui avait des besoins pour le démarrage d'une ligne de production qu'il venait de construire au Mont Wright. Il y avait la grève de la construction à l'époque qui planait un peu au niveau de l'industrie de la construction. Ce que ça a occasionné, c'est que la semaine juste avant, une personne chez ArcelorMittal m'a appelé le mercredi matin pour me dire qu'elle avait besoin de 25 travailleurs pour justement assister les opérations parce que la ligne allait être livrée aux opérations. Il me demande 25 travailleurs. Moi, je dis, 25 travailleurs, Simon, il n'y a pas de trouble avec ça.
Finalement, le jeudi matin, il me rappelle puis il me dit Fred, ce n'est pas 25, c'est 50 travailleurs dont on va avoir besoin. Là je dis, 50 travailleurs, c'est beaucoup de monde! Mais je dis pour moi, on devrait être bon avec ça, Simon. Vendredi, il me rappelle. Il dit Fred, ce n'est pas 50, c'est 75 gars dont on a besoin. Et là, il m'énumère les corps de métier : électriciens, électromécaniciens, soudeurs, plombiers… c'était à peu près tous les corps de métier que je n'avais pas. Donc j'ai dit time out, Simon, ça ne marche pas votre affaire! C'est quoi ton plan B? Il dit Fred, tu es notre plan A, notre plan B et notre plan C!
Donc j'ai dit parfait, on embarque dans l'aventure. On est allés sur Emploi Québec, on a imprimé tous les CV qui portaient les mots clés plombier, soudeur, mécanicien. Au final, ce dont il avait besoin, c'était des bras. Puis là, il y avait urgence, il fallait qu'on réagisse.
Finalement, ça a fait en sorte que mon entreprise a explosé. On a multiplié nos ventes par 6 de juin à septembre. Mais je me rappelle, tu sais, quand on parle d'outils financiers, je parlais avec Bernard toutes les semaines puis même plusieurs fois par semaine. Parce que là, la marge de crédit dont j'avais besoin pour me supporter financièrement, même si on avait quand même déjà une bonne croissance, c'est un raz-de-marée qui s'abat sur notre entreprise. J'avais peut-être une cinquantaine de personnes au total sur mon payroll, puis on a passé de 50 à 200 employés en 3 mois. Bernard, là-dessus, m'a supporté à 200 %. Il y avait une très bonne relation de confiance.
Être très près de ses partenaires financiers, ça, je pense que c'est un élément clé. Dans ce cas-là, on n'a pas eu le temps de se préparer. On a juste été en mode pompier, mais on est d'excellents pompiers dans le secteur industriel et Bernard a été un bon pompier dans le secteur financier. Ça fait que ça a été vraiment un travail d'équipe.
Katerine-Lune : Maintenant, parlons des étapes qui sont à prévoir lorsqu'on envisage une croissance rapide des activités de l'entreprise. Stéphane, vous voulez nous parler de ces étapes?
Stéphane : Pour garder ça simple, je vais revenir à la métaphore de voilier que j'aime beaucoup. Avant de prendre la mer, on a beaucoup de choses à penser. D'abord, est-ce qu'on a le bon voilier, le bon équipement? Est-ce qu'on a assez de vivres, aussi, pour le temps qu'on va être sur l'eau? Quel chemin on va prendre pour raccourcir le temps? Est-ce qu'on a des ressources humaines pour nous aider? Partir seul, ce n'est pas nécessairement ce qu'il y a de plus génial, surtout lorsqu'on est dans des vagues de 60 pieds.
J'entendais Frédéric tout à l'heure parler, j'étais près de Bernard et je l'appelais régulièrement. Génial. De l'autre côté, Frédéric ne nous en a pas parlé. À l'interne aussi, embaucher 66 personnes, il a besoin de ressources pour l'administration. Donc, il a besoin de matelots. Il a besoin de gens pour l'aider à hisser les voiles. Et lui, il a les 2 mains sur le gouvernail, mais il ne peut pas tout faire non plus. Alors, ce que j'aurais envie de résumer là-dedans, c'est de bien se préparer, visualiser. C'est impossible de tout prévoir, mais c'est possible cependant de mettre toutes les chances de notre côté pour couvrir le maximum de risques.
Katerine-Lune : Bernard, est-ce que c'est important aussi de s'adapter aux diverses modalités de paiement des fournisseurs qui vont augmenter au fur et à mesure de la croissance, probablement?
Bernard : C'est très important. Quand on assiste à une croissance comme ça, souvent ça se fait avec de nouveaux clients ou avec des clients existants. Mais comme entrepreneur, quand on arrive dans une situation comme ça, ce n'est pas l'entreprise qui dicte les modalités de paiement, souvent c'est le marché. On va attaquer un nouveau marché. On va faire affaire avec un nouveau client. On va avoir des délais de livraison qui vont être différents.
Donc, l'entreprise doit s'adapter à ça et c'est rarement l'entreprise qui a suffisamment la capacité d'imposer ses conditions de paiement. Donc, l'entreprise et l'institution financière doivent prendre en compte ces modalités pour bien supporter les liquidités.
Quand on veut faire une croissance qui est exponentielle, c'est important d'être en contrôle de l'ensemble de ses processus d'affaires. On ne peut pas gérer une croissance exponentielle et avoir une carence en suivi comptable, en suivi de coût de revient ou une carence au niveau de notre main-d'œuvre ou de notre planification. Il faut être suffisamment supporté, suffisamment agile dans l'ensemble des processus d'affaires pour être capable de prendre la croissance.
Katerine-Lune : Frédéric, est-ce que de s'adapter, ce n'est pas aussi la clé du succès dans toutes ces étapes de la croissance exponentielle?
Frédéric : C'est sûr qu'embaucher massivement comme ça, l'ADN Soucy, on le retrouvait moins. Puis à un moment donné, au fur et à mesure qu'on avance dans l'organisation comme entrepreneur, bien là on se rend plus compte aussi de ce qu'on veut. Qu'est-ce qu'on veut pour nous, qu'est-ce qu'on veut pour notre équipe?
Au final, on s'est rendu compte que oui, la croissance c'est le fun, mais pas à n'importe quel prix parce que ça a beaucoup d'impacts sur la qualité et l'esprit d'équipe. Ça a des impacts aussi familiaux, parce que tu brûles la chandelle par les 2 bouts, tu n'es jamais là, tu as la pédale au fond. Ça fait qu'un moment donné, c'est de trouver un équilibre dans tout ça. Parce qu'une croissance rapide peut être aussi dévastatrice qu'une décroissance.
Katerine-Lune : Si de l'extérieur votre entreprise peut sembler fleurissante quand justement il y a cette croissance exponentielle qui arrive, est-ce que ça reste que ça peut être des moments très difficiles à vivre pour un entrepreneur?
Frédéric : C'est sûr que quand on vit de la très, très, très forte croissance, ce n'est pas en 40 heures par semaine qu'on va être en mesure de la supporter, cette croissance-là. Ça fait que c'est tout le monde qui paye un peu le prix. Puis les gens, à la base, ce sont des êtres humains, ce sont des gens qui sont pères de famille, mères de famille. Le moral est très important.
Moi, cette chimie-là, je ne veux pas la détruire à n'importe quel prix. Quelque part, avec toutes ces expériences-là de la vie puis d'être entrepreneur ce que ça nous a amenés à penser qu'on a du plaisir à travailler ensemble alors on va prendre la croissance qu'on est capable de prendre. Puis la journée où on aura plus de fun, ce n'est pas une histoire de chiffre d'affaires ou de profit ou peu importe, mais il va falloir être en mesure de se parler et de se dire les vraies choses. Regardez, on est là, puis ça craque et il faut mettre les choses en place pour continuer à prendre de la croissance.
Ou, à un moment donné, se dire que l'entreprise on l'a amenée où on voulait l'amener. On l'a amenée à maturité, maintenant il faut travailler sur sa pérennité puis la stabilité d'emplois. Tout dépendamment c'est quoi la vision, la mission de l'entreprise, les valeurs puis les gens qui y travaillent. Puis après ça, on prend un cap puis on assure de livrer la marchandise.
Katerine-Lune : Est-ce qu'il y a des conseils que vous pourriez nous donner pour éviter des erreurs fréquentes lors de la croissance exponentielle d'une entreprise? Bernard?
Bernard : Les éléments que Frédéric vient de soulever, c'est vrai. Frédéric était un entrepreneur, homme-orchestre, en 2010. Il gérait beaucoup de choses. Il était impliqué dans beaucoup d'activités. Il a su s'entourer, écouter les gens, prendre conseil, déléguer beaucoup plus. Planifier beaucoup plus aussi, ce qui fait en sorte qu'il est capable de mieux gérer son temps. Pour arriver à une croissance exponentielle, c'est important d'avoir le bon gestionnaire en place et la bonne équipe de gestion. Et c'est important de protéger cette équipe-là et cet entrepreneur-là.
Donc, Frédéric a su très bien le faire au cours des années. Pour l'entreprise en tant que telle, pour la pérennité de l'entreprise, la planification. On ne le dira jamais assez, mais pour faire référence au voilier tantôt, au voyage de Stéphane, de planifier, d'avoir suffisamment de ressources. Puis on parle toujours de ressources humaines, ressources financières, les équipements, les stratégies qui sont en place.
Pourquoi on s'attaque à un marché plutôt qu'à un autre? Pourquoi on fait une acquisition plutôt qu'une autre, en termes de vision stratégique? Et ça, c'est un élément que Soucy a intégré dans sa planification. Depuis des années, il travaille en planification stratégique, cherche de nouvelles opportunités d'affaires. Il ne les prend pas toutes, mais il sait faire une bonne sélection. Donc, c'est un petit peu ça les pièges à éviter pour assurer sa pérennité à long terme.
Stéphane : Un moment donné, on a beau accroître notre volume d'affaires, prendre de plus en plus de contrats, mais il y a une limite. Souvent, les entrepreneurs portent beaucoup d'attention à leur bilan financier. Mais le vrai, vrai état financier, c'est le flux de trésorerie qu'on appelle, l'état des flux de trésorerie. C'est un peu, je m'excuse, de l'anglicisme, mais le cashflow de l'entreprise.
Et là, de prévoir en fonction des principes de l'industrie de ce secteur-là. À quelle vitesse peut-on encaisser nos comptes à recevoir? À quelle vitesse doit-on payer nos fournisseurs? Et l'écart entre les 2, c'est l'argent qui va nous manquer. Et cet argent-là, il y a 3 sources où est-ce qu'on peut aller le chercher. Votre partenaire financier est là pour en supporter. Les fournisseurs sont là pour en supporter. Mais il y a aussi une participation de l'entrepreneur qui vient de son fonds de roulement.
Et souvent, souvent, lorsqu'une entreprise échoue, c'est qu'elle n'a pas le fonds de roulement nécessaire pour supporter la croissance. Et là encore, je parle de ressources, il y a des limites aux ressources. C'est bien beau dégager 5 millions de profit à la fin d'une année, mais si ce 5 millions-là est en comptes à recevoir ou est en inventaire dans les tablettes, il n'est pas dans le compte de banque.
Katerine-Lune : Frédéric, si un entrepreneur ou une entrepreneure, qui nous écoute et qui sent que sa croissance est en train d'exploser, est-ce que vous avez des conseils à lui donner? Et peut-être des erreurs que vous, vous avez faites et que vous vous dites, je ne referais pas ça de la même façon.
Frédéric : Au niveau des comptes à recevoir, nous, ça nous a déjà mis en difficulté parce qu'on a eu de mauvais comptes. On était une PME locale où est-ce qu'on travaillait beaucoup sur une relation de confiance avec nos clients. Quand tu tombes dans la cour des grands puis que là tu tombes avec des contrats, des bons de commande et ainsi de suite et que ton donneur d'ordre dit tu fais la job, puis le PO va suivre par après. Là, finalement, tu cours un peu après ton argent. Au bout de 90 jours, une marge de crédit, ton compte n'est plus reconnu. Ça fait que là, des fois, tu peux tomber en difficulté financière parce que tu n'as pas réceptionné ton argent.
Mon VP finances dit que tu as 3 éléments en finance qui sont cruciaux c'est get the cash, get the cash, get the cash! Il n'y a pas autre chose, c'est ça. Puis nous autres, on a fait le choix. Tout est une question de risque aussi. Nous autres, on a fait le choix dans les années 2010, 2011, d'assurer nos comptes. Ça fait que si j'ai fait ma job de gestionnaire comme il se doit puis que ce client-là a une difficulté, peu importe, environnementale ou quoi que ce soit, et qu'il ne me paye pas, bien au moins j'ai mon assurance qui vient couvrir ce recevable-là.
L'autre élément très, très important, puis Bernard en a parlé aussi tantôt un peu. Moi, j'aime m'entourer des gens meilleurs que moi. Que ce soit aux finances, que ce soit aux ressources humaines, que ce soit au développement des affaires ou aux opérations, j'adore être en mesure d'apprendre chaque jour des gens qui m'entourent parce qu'ils sont solides dans leur domaine. Je pense que ça, c'est bien important, comme entrepreneur, ne pas avoir peur de s'entourer de gens meilleurs que nous. Ce n'est pas être le one man show puis penser qu'on connaît tout, puis qu'on sait tout. Je pense que ça prend beaucoup d'humilité. Au final, on est bien plus forts en équipe qu'une seule personne. Ça ressemble à ça.
Katerine-Lune : Alors, quels sont, selon vous, les gages de succès lorsqu'une entreprise grandit de façon considérable en peu de temps?
Bernard : Un des premiers éléments, on a parlé des processus, mais dans l'ensemble de la gestion de la croissance, il y a tellement d'éléments qui sont des impondérables, c'est la transparence. La transparence de l'entrepreneur envers son créancier, du créancier envers son entrepreneur. Les besoins sont illimités, mais les ressources sont limitées. Donc, il faut voir c'est quoi les limites de chacun. Quels sont les enjeux de chacun? Se mettre à la place d'eux. D'essayer de comprendre ce que sont les enjeux réels de l'entreprise pour mieux y répondre. Donc, tout ça tourne autour de la transparence. Lorsqu'il y a une bonne communication, que la transparence soit de mise, c'est un facteur de succès.
Katerine-Lune : Stéphane, vos facteurs de succès?
Stéphane : Si vous vous apprêtez à prendre la mer, que vous êtes seul sur le quai et que déjà vous vous imaginez affronter en solitaire le vent de front avec une vague de 60 pieds, vous allez être encore plus seul en plein milieu de la mer. Alors, allumez de grosses lumières si vous voulez partir à l'aventure, dirais-je. Si vous voyez venir une croissance, regardez alentour de vous sur le quai puis allez chercher des gens compétents, de bons matelots, des professionnels de réparation de moteur, tout ce que vous pouvez. Entourez-vous de spécialistes et de professionnels, c'est la recette.
Katerine-Lune : Frédéric?
Frédéric : Je vais faire du pouce un peu sur l'expression à Stéphane, mais quand tu pars en voilier, c'est sûrement parce que tu as une destination. Je pense qu'à la base, c'est de travailler sur une planification stratégique. Avoir une vision, un objectif commun et de le communiquer, de le partager avec l'équipe. Oui, d'avoir une équipe solide qui nous entoure, mais aussi de le communiquer à toutes les parties prenantes, que ce soit aux banquiers ou des clients ou des fournisseurs.
Je pense que c'est une aventure à grande échelle. La vision, la communication, c'est la clé du succès. Parce que si on a l'idée en tête puis on dit c'est là qu'on va, mais cette idée-là, on ne la partage pas à personne, on ne sera pas en mesure de mobiliser nos gens à tirer tous dans le même sens pour atteindre cet objectif-là.
Katerine-Lune : Frédéric Soucy, Bernard Sozio, ainsi que Stéphane Pageau, merci beaucoup d'avoir participé à Libres échanges. Et Frédéric, pour votre croissance qui est un peu la traversée de l'Atlantique, je vous souhaite d'être préparé pour les vagues de 60 pieds, mais surtout d'avoir le vent dans le dos. Merci.
Frédéric : Merci beaucoup.
Bernard : Merci.
Stéphane : Merci.
Katerine-Lune : Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 5 – Développer son marché à l'international : prêt, pas prêt?
25 novembre 2021 – Quand les affaires vont bon train, exporter nos produits et services peut être à la fois stimulant et stressant. Comment savoir si on est prêt? Quelle est la marche à suivre pour bien planifier cette étape importante de la croissance d'une entreprise? Katherine-Lune tentera de répondre à cette question avec Vincent Stever, cofondateur et PDG de TowSoft et Benoit Marcoux, conseiller-expert, Services internationaux chez Desjardins Entreprises.
Benoit : Un des éléments qui est important, c'est d'avoir les ressources financières, mais aussi le temps de développer ces marchés-là.
Vincent : Ne pas avoir l'impression que 6 000 km de l'autre côté de l'Atlantique, c'est quelque chose qui est inatteignable pour faire des affaires.
Katerine-Lune : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat. Dans cet épisode, je m'entretiens avec 2 invités pour parler de croissance et de développement de marchés à l'international. Bonne écoute.
Quand les affaires vont bon train, exporter nos produits et services à l'étranger peut être à la fois stimulant et stressant. Comment savoir si on est prêt? Quelle est la marche à suivre pour bien planifier cette étape importante de la croissance d'une entreprise?
C'est ce que je vais tenter de comprendre aujourd'hui avec Vincent Stever, cofondateur et PDG de TowSoft et Benoit Marcoux, conseiller-expert, Services internationaux chez Desjardins Entreprises.
Bonjour à vous deux. Bienvenue à Libres échanges.
Vincent : Bonjour.
Benoit : Bonjour. Merci de nous recevoir.
Katerine-Lune : Vincent Stever, vous êtes PDG de TowSoft qui a été fondée en 2014. L'entreprise compte aujourd'hui au siège social 10 employés, et 6 à Paris depuis le printemps 2021. Vincent, parlez-nous de votre logiciel.
Vincent : TowSoft, on est une firme informatique qui est spécialisée dans le développement de solutions qui visent à optimiser l'écosystème de l'assistance-routière et du remorquage-dépannage. Il faut comprendre que les compagnies de remorquage, ça fonctionnait sans vraiment avoir d'outils numériques, donc beaucoup papier. C'est un domaine qui n'était pas privilégié par les développeurs informatiques. C'est assez complexe, il y a beaucoup de relations, justement, entre le remorqueur, la personne qui est sur le bord de la route et le donneur d'ordre, que ce soit un ministère de transport, une autoroute ou une assistance, une assurance.
Donc, toute cette relation-là, cet écosystème-là comme on l'appelle, fonctionnait au papier beaucoup puis au téléphone. Donc, pour nous, on a développé, premièrement, le logiciel qui permettait aux remorqueurs d'avoir une meilleure gestion de leur entreprise. De passer au numérique, eux aussi, comme le reste des industries aujourd'hui. Puis après ça, on a développé, justement, les solutions qui vont chercher les autres acteurs importants de cette relation-là, soit la personne au bord de la route qui est en panne et le donneur d'ordre, en plus du remorqueur. Donc, de numériser de bout en bout cette relation-là.
Katerine-Lune : Merci. Benoit Marcoux, vous travaillez en institution financière depuis 18 ans. Quel est votre rôle chez Desjardins Entreprises? Et comment vous accompagnez les entrepreneurs en processus d'exportation?
Benoit : Bien oui, effectivement, moi, je fais partie de l'équipe des services internationaux chez Desjardins. Donc, avec mes collègues, ce qu'on fait, c'est qu'on offre aux entreprises de toutes les tailles toutes sortes de solutions pour les paiements, la gestion des risques et les solutions opérationnelles ou transactionnelles. Et aussi de l'accompagnement pour le développement de marché, la recherche de fournisseurs, etc., à l'étranger.
Katerine-Lune : Alors, s'il y a des propriétaires d'entreprise qui nous écoutent actuellement, qui hésitent à aller à l'international, est-ce qu'il y a des signes qui nous indiquent qu'une entreprise est prête pour l'exportation?
Benoit : Évidemment, il y a des domaines où ça va arriver beaucoup plus tard dans le développement d'une entreprise. Donc, l'entreprise va démarrer dans son marché local. Après ça, grandir graduellement, probablement viser la région, la province. Souvent, après ça, on commence à regarder un petit peu les autres provinces, puis le marché américain, éventuellement. Ça, c'est un schéma assez classique. Par contre, aujourd'hui, on voit surtout, en particulier dans le numérique, un peu comme on va le voir avec l'expérience de Vincent, ça va beaucoup plus vite. Évidemment, on a moins d'enjeux, de logistique à déplacer des logiciels qu'à déplacer des marchandises en conteneurs.
Donc, on voit des entreprises qui naissent à l'international maintenant. Littéralement, les premiers projets sont déjà à l'étranger. Donc ça, c'est très différent. Maintenant, est-ce que les entreprises sont prêtes? Bien là, ça, c'est une grande question. Évidemment, ça prend des ressources pour développer à l'international, c'est clair. Mais un des éléments, c'est certain, qui est important, c'est d'avoir, justement, des ressources, oui, financières, mais aussi le temps. Donc, les capacités dans l'équipe de gestion de développer ces marchés-là, ça prend des efforts. Donc, c'est important qu'il y ait des gens qui soient vraiment aux commandes de ce projet-là spécifiquement.
Katerine-Lune : Vincent, Benoit vient de nous dire que dans un parcours traditionnel, le premier pays où les entreprises québécoises exportent, c'est les États-Unis. Vous, vous avez choisi la francophonie. Comment s'est déroulé votre passage à l'international?
Vincent : Bien en effet, pour nous, en fait comme le mentionnait Benoit, on est dans le numérique. Donc, c'est sûr que c'est quelque chose qui traverse les frontières très facilement. On n'a pas de logistique, on n'a pas de fabrication. Pour nous, ça a été de constater, premièrement, que le produit qu'on avait, c'est un produit qui fonctionnait partout sur le globe. À défaut de me répéter, on est dans le dépannage-remorquage, dans l'optimisation de l'assistance-routière. Donc, partout où il y a des routes, il y a des autos et malheureusement ces autos-là tombent en panne.
Pour nous, la francophonie, pour l'exportation, c'est un vecteur de croissance qui est vraiment intéressant et à ne pas négliger. Donc, pour nous, ça a été plus simple de traverser l'océan puis de travailler avec la francophonie, en débutant avec la France, évidemment. Le Québec a un lien quand même assez privilégié avec la France, autant économique que culturel. Puis aux États-Unis, c'était une compétition qui était plus féroce dans notre cas. Donc, c'est ce qui nous a facilité le choix de traverser l'Atlantique pour aller en France au départ. Puis après ça, de s'aventurer dans le reste de la francophonie.
Puis évidemment, quand on regarde un pays comme la France, 72 millions d'habitants, la taille du pays aussi. Donc, c'était très facile pour nous d'aller voir qu'il y a un volume très intéressant, une clientèle potentielle pour nous sur ce marché-là. Que ce soit la Belgique, le Luxembourg, les pays qui sont autour dans la francophonie, c'est des pays où il y a beaucoup d'habitants, donc beaucoup d'automobilistes. Donc, théoriquement, beaucoup de pannes.
Katerine-Lune : Et donc des clients pour vous?
Vincent : Exactement.
Katerine-Lune : Et donc, à partir du moment où vous avez dit O.K., on s'en va en France. Ça a été quoi les étapes?
Vincent : Pour nous, en fait, ça a commencé, par développer une relation avec un distributeur. C'est un pur hasard qu'on ait rencontré l'entreprise qui est devenue notre distributeur en 2017. Donc, on s'est rencontrés ici à Saint-Jean, là où on a nos bureaux. Donc, c'était un pur hasard, c'était une mission commerciale. Puis, à ce moment-là, on s'est lancé sur un salon commercial. Évidemment, comme dans plusieurs domaines, dans le dépannage, il y a des salons du dépannage. Donc, au Québec, on en a un avec l'Association des professionnels du dépannage du Québec. Puis en France, il y a 2 salons.
On est allés à un salon commercial, s'aventurer au salon de Lyon en 2017 de l'Association des dépanneurs automobiles de France. Puis, bien évidemment, quand on est arrivés sur place, on a constaté que la solution est devenue très populaire rapidement pendant les 2 jours du salon. Ça jasait beaucoup à propos des Canadiens qui venaient de débarquer. Donc, c'est là qu'on a constaté que, effectivement, il y avait de la place pour nous puis de l'intérêt pour nos solutions. C'est là que tout a commencé sur le territoire français.
Katerine-Lune : Et donc, on peut dire que le réseautage, le bouche-à-oreille, en tout cas, dans votre cas, dans ce salon-là, puis ensuite toutes les étapes qui vous ont aidés, c'est vraiment au cœur de l'exportation.
Vincent : Oui, définitivement. C'est sûr que c'est un domaine qui est très, très petit, dans le sens où les gens se parlent beaucoup, s'entraident beaucoup. C'est un domaine où on voit qu'il y a beaucoup de confréries. Puis quand il y a certains clients potentiels qui ont vu notre solution, ça a rapidement fait le tour de l'industrie.
Katerine-Lune : Benoit, on vient de voir que les salons peuvent être un élément déclencheur pour rencontrer des partenaires d'affaires potentiels. Mais quand on souhaite exporter nos produits et services à l'étranger, est-ce qu'il y a des étapes à suivre avant de se lancer?
Benoit : Il y a des étapes de planification qui sont très importantes parce que, évidemment, il y a plusieurs éléments de risque quand on décide d'aller à l'étranger. Il y a plusieurs façons de le faire aussi. On peut travailler à partir des installations ici, au Québec, et vendre notre produit à l'étranger. On peut procéder à l'ouverture d'une filiale, comme ça a été le cas pour Vincent en France, ou ailleurs. On peut faire une acquisition aussi d'une entreprise là-bas. Donc, il y a toutes sortes de moyens différents d'aller approcher ce marché-là. C'est important de choisir son approche.
Et puis, ensuite de ça, évidemment, selon les choix qui sont faits, il y a toutes sortes de risques qu'il faut bien encadrer aussi. Le plus évident, évidemment, c'est le taux de change. On en parle quand même tous les jours aux nouvelles, mais ça a un impact réel sur les résultats de l'entreprise. Il y a un risque aussi en ce qui concerne le risque de défaut. On connait moins les entreprises avec lesquelles on fait affaire. On connait moins les habitudes des gens, tout ça. Donc, tous ces éléments-là, évidemment, doivent être encadrés comme il le faut et, idéalement, le plus tôt possible. Parce que quand on va négocier des contrats avec des gens à l'étranger, qui va être responsable de la marchandise, du transport, des assurances? Tous ces éléments-là font partie intégrante de la négociation originale. Donc ça commence assez tôt dans le processus pour être certain que tout est bien aligné puis qu'on ne frappe pas des nœuds après ça, au cours du déploiement du projet.
Katerine-Lune : Pouvez-vous nous donner des exemples de services ou d'outils que vous offrez?
Benoit : On a un programme qui s'appelle, chez nous, Passeport Affaires. Et ça, ce que ça donne, c'est un accès à des gens sur le terrain pour justement aider dans la recherche de partenaires, la négociation, des choses comme ça. C'est moins dans l'opérationnel, mais c'est plus dans le volet stratégique.
Katerine-Lune : Justement, parlons-en, du programme Passeport Affaires. Vincent, comment ça a fait une différence dans la croissance de votre entreprise?
Vincent : Pour nous, comme le mentionnait Benoit, ce qui est intéressant c'est que, dans le cadre de la France, on est allés par nous-mêmes parce que c'est un pays qui était plus connu. En partant, j'étais déjà allé souvent en France tout au long de ma vie. Donc, c'est quelque chose qui est plus proche de nous honnêtement, la France. Mais quand c'est tombé à vouloir faire affaire, à la base, c'était le Maroc, la Tunisie et l'Algérie. Pour nous, ça a été très important de pouvoir analyser les risques, analyser un peu la culture aussi.
Puis c'est là où le Passeport Affaires est devenu très pertinent pour nous. Donc, d'avoir des gens sur le terrain, du milieu. On a pu les rencontrer en la présence des gens de chez Desjardins aussi. Donc, de regarder, justement qu'ils comprennent bien ce qu'est notre modèle d'affaires, c'est quoi notre entreprise, quelles sont nos cibles. Puis eux, rapidement, de nous donner des éléments soit à se méfier ou à prendre en considération pour notre arrivée sur ce territoire-là. Justement, par les conseils qu'on nous a donnés, bien on a décidé juste de commencer avec le Maroc et la Tunisie parce qu'en Algérie, on avait certains éléments qui étaient plus compliqués pour arriver là-bas puis faire affaire sur le territoire. Donc, l'accompagnement a été très bénéfique.
Katerine-Lune : Quand on veut faire des affaires à l'étranger, il y a aussi toute la dimension des différences culturelles. Comment ça se vit pour vous?
Vincent : On a installé la filiale en France au mois de mars. Donc, ça a été un apprentissage de culture. Une culture que je croyais connaitre, mais au niveau professionnel, c'est complètement différent qu'au niveau personnel. C'est que maintenant, depuis mars, on est employeur sur le territoire français. Donc, on a compris ce qui va avec. Donc, pour nous, quand on commence à faire travailler nos équipes ensemble, le côté d'adapter un peu la langue, la façon de s'écrire, la façon de se parler. Même moi, je lis mes courriels aujourd'hui puis si j'avais à relire mes courriels il y a 5 ans, ce n'est pas le même langage que je j'utilise, même quand j'écris à mes collègues au Québec.
Katerine-Lune : Benoit, vous êtes d'accord que comme entrepreneur, peut-être que l'élément différences culturelles est peut-être quelque chose qu'on oublie trop rapidement.
Benoit : Oui, c'est à considérer effectivement, c'est un très bon exemple. Puis, ce qu'on a vu ici, c'est certain qu'avec la France, la culture va être différente et quand on va sur d'autres continents, ça peut être encore beaucoup plus différent. Parce qu'on a quand même des liens très proches au niveau de la langue et tout ça. Les Nord-Américains, en général, sont assez droit au but, mais dans d'autres endroits, c'est très différent, il y a un développement de relation qui est plus long avant.
Je pense qu'il faut en tenir compte parce que sinon, les gens peuvent avoir une drôle d'image de nous si on n'a pas pris le temps de se renseigner avant puis d'adapter un peu notre façon de parler, d'écrire et tout ça. Puis la capacité d'adaptation, je pense que c'est un élément vraiment important pour l'entrepreneur, l'entreprise, toute l'équipe qui va avoir à travailler, à bâtir un projet à l'étranger comme ça. Ça demande beaucoup d'adaptation.
Vincent : La notoriété de l'entreprise, c'est quelque chose qui change complètement quand on commence à faire affaire à l'étranger et que ça se sait dans l'industrie. Donc, même nous, ici, il y a des sociétés de plus grande envergure qui ont commencé à être pas mal plus intéressées par nos solutions par le fait qu'on avait réussi à convaincre des entreprises équivalentes à l'étranger. Donc, forcément, on dit souvent nul n'est prophète dans son pays, mais une fois qu'on a fait nos preuves à l'étranger, on dirait que plus facilement les gens commencent à regarder ce qu'on fait. Donc, ça a été très, très bon pour nous autant pour l'image que pour la grandeur de l'équipe.
Katerine-Lune : Benoit, êtes-vous d'accord avec ce que Vincent vient de dire? Est-ce que, effectivement, les entreprises qui vont à l'international vont parfois offrir un meilleur service aux Québécois parce que leur entreprise a connu une croissance en plus de connaitre une plus grande notoriété?
Benoit : Oui, définitivement. C'est certain que le fait de grandir comme ça, que l'entreprise grandisse, ça donne des possibilités d'améliorer le service. Par exemple, d'avoir un service 24 heures sur 24 qui n'était peut-être pas possible quand l'entreprise était plus petite. Donc, il y a toutes sortes d'éléments qui vont venir s'ajouter qui deviennent nécessaires. Si on veut desservir un marché qui fonctionne à l'inverse de nous au niveau horaire, bien forcément, on est obligé d'étendre ses plages horaires de service. Et évidemment, ça bénéficie aussi à la clientèle locale, donc, c'est intéressant.
Puis il y a des économies d'échelle, il y a toutes sortes d'éléments, évidemment qui vont entrer dans le fait que l'entreprise grandisse. Je pense que oui, du côté notoriété, ça donne une image beaucoup plus solide de l'entreprise. On voit que l'entreprise a réussi un projet. C'est quelque chose de réussir un projet à l'étranger. Donc, quand on voit que l'entreprise a été capable de faire ça, et plus d'une fois, en plus, dans certains cas, ça donne confiance aussi aux gens qui sont ici.
Vincent : Ça nous a permis aussi d'avoir un regard plus global d'un marché en tant que tel. Donc d'aller chercher un peu de l'expertise aussi, puis de l'expérience à l'extérieur du Québec ou du Canada. Puis de faire en sorte que l'expérience qu'on est allés chercher à l'étranger, un regard sur cette industrie-là, bien on a pu apporter des choses ici comme améliorations puis comme propositions qui n'auraient peut-être même pas été considérées par notre industrie. Et vice-versa, évidemment, quand on va à l'étranger, on apporte l'expertise qui vient d'ici. Donc, de faire affaire un peu partout, ça nous donne un regard sur notre marché et ça nous amène, des fois, des idées ou des innovations qui sont vraiment intéressantes.
Katerine-Lune : Quels conseils donneriez-vous à des entrepreneurs dans tous secteurs confondus qui souhaitent exporter? Benoit?
Benoit : Le premier conseil, c'est d'évaluer sa capacité réelle de faire le projet. Donc, il y a vraiment une réflexion qui doit se faire sur l'entreprise avant de se lancer dans un projet à l'étranger. Il y a beaucoup d'implications puis d'aller chercher une nouvelle équipe. Il y a des enjeux nouveaux. Il y a des connaissances qu'il faut avoir sur l'endroit où on s'en va, les règlementations et l'aspect fiscal qui change. Il y a toutes sortes d'éléments à considérer qui vont être différents. Puis ce qu'il faut prendre en considération, c'est que le succès qu'on a eu sur son marché domestique, ce n'est pas nécessairement la même recette qui va fonctionner à l'étranger.
Un exemple facile, ce serait dans l'agroalimentaire. Les goûts des gens ne sont pas les mêmes. Donc, un produit qui va super bien se vendre ici, au Québec, ne va pas nécessairement avoir le même succès à l'étranger. Des fois, il faut adapter un peu sa recette. C'est vrai pour tous les projets. Donc, tous les aspects peuvent être un peu différents. C'est important de réfléchir à ça, d'avoir un plan clair, de tester aussi. Idéalement, de faire une vraie étude de marché. Avant de trop investir de temps, de vraiment planifier, étudier son marché comme il le faut, de bien choisir où on s'en va. Vincent mentionnait tout à l'heure qu'il y avait un des marchés, l'Algérie, où ils ont décidé de ne pas aller tout de suite. C'est important, parce que si on décide de s'embarquer dans ce projet-là puis finalement ça ne colle pas vraiment, on va dépenser énormément d'énergie, de ressources financières aussi, alors qu'il y a peut-être un autre pays juste à côté où ça fonctionnerait mieux.
Donc, cette sélection-là est très importante. Et là, après ça, comme je disais, de s'entourer des bonnes personnes autour de soi. Il y a beaucoup de partenaires. On est chanceux, les entreprises au Québec ont beaucoup de ressources autour d'elles pour les aider. Nous, on travaille en équipe avec tous ces gens-là. Et c'est pour ça que nos gens vont les rencontrer. Dès que le projet fait surface, d'impliquer nos gens chez nous, nos conseillers. On en a dans chaque centre Entreprise, des spécialistes du commerce international. Donc, d'avoir cette première discussion, d'évaluer les enjeux, trouver les bons partenaires. Et là, après ça, on commence à avoir un plan de match. C'est vraiment la première étape.
Katerine-Lune : Vincent, quel serait le conseil que vous donneriez à des entrepreneurs qui hésitent à faire le pas vers l'exportation?
Vincent : Bien, je pense que comme Benoit le disait, la planification est super importante. Puis de bien s'entourer, ça, c'est une évidence. Mais effectivement aussi, un entrepreneur étant ce qu'il est, je pense que le risque va avec aussi. De faire le saut, je pense que c'est important de le faire. Le risque est calculé, disons-le comme ça. Mais surtout de ne pas avoir l'impression que 6 000 km de l'autre côté de l'Atlantique, c'est quelque chose qui est inatteignable pour faire des affaires. De ne pas hésiter à regarder c'est quoi son industrie à l'étranger, puis de pouvoir se comparer sur un marché.
C'est très simple de le faire, il y a de beaux programmes aussi gouvernementaux qui encouragent les entrepreneurs à faire ces premiers pas-là. Je pense qu'il ne faut pas voir ça comme inatteignable, surtout quand on parle de PME. Parce qu'évidemment, dans notre cas, on est une petite entreprise, puis souvent c'est dans les petites entreprises qu'on va hésiter à faire ça parce qu'on ne pense pas avoir la taille de la grande ou de la moyenne entreprise. Mais aujourd'hui, je pense que tout est là pour nous aider à le faire. Puis de s'informer, justement, sur ces outils-là qui viennent nous aider à faire les premiers pas, puis de ne pas hésiter à le faire.
Katerine-Lune : Vincent Stever et Benoit Marcoux, merci beaucoup de votre passage à Libres échanges. Et Vincent, je vous souhaite de conquérir le monde entier!
Vincent : Ah bien merci beaucoup, et ce fût un plaisir!
Benoit : Merci à vous.
Katerine-Lune : Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 4 - Démarrer son entreprise : par où commencer?
2 septembre 2021 - Démarrer une entreprise est un grand défi dans une carrière. Notre animatrice s'entretient avec 3 personnes qui en savent long sur la question : Alexandre Boucher-Doddridge, cofondateur et directeur général chez HerbiaEra, Pascal Lareau, conseiller en développement du centre d'affaires en ligne de Desjardins Entreprises, et Mylène Bruneau, conseillère en communication, Développement international Desjardins.
Mylène Bruneau : C'est qu'un entrepreneur qui est en prédémarrage, démarrage d'entreprise, souvent n'a pas de connaissances de l'écosystème de soutien aux entrepreneurs.
Pascal Lareau : Quand on va chercher un mentor, on va monter à 75 % d'entrepreneurs qui vont être encore en affaires au bout de 5 ans.
Alexandre Boucher-Doddridge : Il ne faut vraiment pas hésiter à cogner aux portes puis à vouloir déranger.
Katerine-Lune Rollet : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat.
Aujourd'hui,
j'aborde un aspect fondamental : le démarrage d'une entreprise.
Démarrer une entreprise est l'un des plus grands défis dans une carrière. On est à la fois porté par notre projet et fébrile devant l'inconnu. À quoi doit-on penser? À qui doit-on
parler? À quelles ressources peut-on faire appel pour partir du bon pied? C'est ce que je vais tenter de découvrir avec mes invités d'aujourd'hui.
Alexandre Boucher-Doddridge, vous êtes originaire de Saint-Antoine-de-Tilly près de Québec et vous avez
décidé de faire le saut dans le vide il y a trois ans, à l'âge de 26 ans, en créant des jardinières intelligentes. J'aimerais qu'on parle de votre entreprise HerbiaEra parce qu'en 2019, dans votre programme de fin d'études avec votre partenaire Anthony
Bisson, vous deviez développer un projet et vous aviez la volonté d'intégrer la technologie dans le monde agricole, mais aussi d'inciter les gens à faire de l'agriculture à domicile. Donc, quelle est l'idée qui a germé de ces deux ambitions?
Alexandre : En fait, on a développé et commercialisé des technologies novatrices qui s'appliquent aux gens, aux particuliers qui n'ont pas de connaissances ni de temps pour cultiver à la maison. Donc, on a développé des jardinières d'intérieurs et une application mobile qui rend ça possible.
Katerine-Lune : Avec nous aussi Pascal Lareau. Vous êtes conseiller chez Desjardins Entreprises et vous aidez justement des gens comme Alexandre. Donc, quelles sont les étapes à suivre pour démarrer une entreprise?
Pascal : Oui, bien effectivement, les étapes sont toujours semblables. Ça va être quand même du cas par cas. Mais essentiellement, on part avec une vision, on va ensuite monter un plan d'affaires où on va être capable d'établir le produit en soi. On va vérifier le marché et ensuite on va essayer de se construire une équipe de gestion pour voir si on est capables de mener ça à bien. Et puis par la suite, on va aller en recherche de financement pour être capables de lancer le projet.
Katerine-Lune : Donc, si je comprends bien, vous êtes un peu comme un médecin généraliste qui analyse les défis rencontrés par les entrepreneurs pour ensuite les référer vers les bonnes personnes et les aider à faire face à leurs enjeux respectifs. C'est bien ça?
Pascal : Effectivement. C'est que dépendant du profil de l'entrepreneur, il va avoir accès à différents types de financement. Donc, on va avoir des entrepreneurs qui vont se partir en affaires dans une deuxième carrière. Ils ont déjà une situation établie, donc, ils sont capables d'aller chercher des financements d'un certain style. Quand on commence au départ, disons dans la vingtaine, et puis qu'on n'a pas construit sa situation encore, on n'a pas d'actifs, on n'a pas d'historique de crédit, on va devoir s'adresser à d'autres types de financement peut-être paragouvernementaux, des partenaires, tout ça, qui vont établir des financements basés sur des prévisions financières, des plans d'affaires. Donc, c'est tout à fait possible, mais il faut absolument vérifier avec l'entrepreneur quels sont ses besoins, d'abord, et ensuite quelle est sa situation de départ pour être capable de bien le diriger.
Katerine-Lune : Notre troisième invitée, Mylène Bruneau, vous, vous êtes conseillère en communication pour Développement international Desjardins. C'est une branche du Mouvement Desjardins que le public connaît peut-être un peu moins. Donc, parlez-moi de ce que vous offrez comme services aux entrepreneurs.
Mylène : Oui, tout à fait. Développement international Desjardins coordonne des programmes qu'on appelle de finance solidaire, donc, en collaboration avec le réseau des Caisses Desjardins, des organismes aussi du milieu qui sont spécialisés dans l'appui aux entrepreneurs. Alors, il y a deux programmes qui s'adressent aux entrepreneurs qui sont exclus du réseau traditionnel de financement ou de crédit, Microcrédit Desjardins aux entreprises et Créavenir. Donc, Microcrédit Desjardins aux entreprises, c'est pour les travailleurs autonomes, entrepreneurs de tous âges. Créavenir cible principalement des entrepreneurs de 18 à 35 ans. Puis dans le cas des deux programmes, on offre à la fois un financement qui tient compte de la réalité financière des entrepreneurs en prédémarrage et démarrage, et aussi un accompagnement de proximité.
Katerine-Lune : Mylène, vous considérez que pour les jeunes et les nouveaux arrivants, le défi est double lorsqu'ils veulent démarrer leur entreprise. Pourquoi c'est plus difficile pour eux?
Mylène : Tout à fait. En fait, je dirais même que le défi est triple pour ces entrepreneurs-là. Nous, c'est sûr, on ne s'adresse pas exclusivement aux nouveaux arrivants, mais ils constituent quand même 25 % de notre clientèle avec les deux programmes que je vous ai mentionnés. Et les entrepreneurs qui ne se qualifient pas dans le circuit traditionnel de crédit, il y a plusieurs défis qui arrivent. Premièrement, pour les entrepreneurs qu'on accompagne, comme tout entrepreneur, il faut qu'ils puissent susciter de l'intérêt pour leur projet, ils doivent prouver la valeur de leur projet dans un premier temps, mais aussi convaincre les bailleurs de fonds, les investisseurs, qu'ils sont en mesure de le mener à bien, ce projet-là. Alors c'est toute l'idée de susciter la confiance envers soi-même, envers son projet, susciter l'étincelle aussi qu'on pourrait dire pour qu'on croie en eux puis qu'on croie en leur projet d'entreprise. Deuxièmement, le nerf de la guerre évidemment, l'accès au financement. C'est un autre défi pour les jeunes, les nouveaux arrivants et puis les entrepreneurs qui, par exemple, manquent de garanties, manquent d'actifs, de mise de fonds.
Katerine-Lune : Ou même d'historique de crédit.
Mylène : Exactement. Ils n'ont pas d'historique de crédit, ils se présentent auprès d'un investisseur seulement avec une bonne idée ou des fois une entreprise qui est à peine en train de démarrer. Donc, c'est extrêmement difficile pour eux de sécuriser un financement. Et puisqu'ils se retrouvent dans ce type de situation, c'est pour ça qu'on dit qu'ils sont exclus du système traditionnel de financement. Et troisièmement, le troisième défi qu'on pourrait soulever, c'est qu'un entrepreneur qui est en prédémarrage, démarrage d'entreprise, souvent n'a pas de connaissances de l'écosystème de soutien aux entrepreneurs. À qui on s'adresse? Quelles sont les ressources disponibles pour nous aider? Pas seulement en termes de financement, mais aussi en termes d'appui, de réseaux, de contacts, d'outils, etc. Alors, je dirais qu'il y a un certain facteur d'isolement quand on démarre un projet d'entreprise.
Katerine-Lune : C'est vrai, il faut d'abord connaître les ressources qui s'offrent à nous pour en profiter. Alexandre, de votre côté, quelles ont été les premières étapes de démarrage de votre entreprise?
Alexandre : Nous, on a une innovation à la base, donc il y a eu l'étape de développer l'innovation, qui s'est faite avec la chaire de recherche de l'Université du Québec à Rimouski. Mais ensuite, ça a été de rentrer en contact avec l'écosystème, justement, entrepreneurial du milieu, que ça soit entrepreneuriat UQAR, ensuite on s'est fait mettre en contact avec les MRC, les gens de BDC, les gens de Futurpreneur. Donc, au départ, ça a été vraiment de comprendre tout l'écosystème, comment il réagissait ensemble. Puis ensuite, ça a été vraiment de se monter un bon plan d'affaires puis d'appliquer à tous les concours possibles qui sont présents. Ces concours-là nous permettent vraiment d'aller chercher la petite liquidité puis la petite tape dans le dos d'approbation de ton produit ou de ton innovation, de ton entreprise. Puis que ça te permette que, justement, nous, dans notre cas, à la suite de notre fin de notre bac, bien en fait, ça nous a permis de se dire hé, on a un peu de liquidités, on voit de l'attraction, notre innovation a un réel potentiel d'exportation. Donc, on s'est dit pourquoi pas se lancer en affaires.
Katerine-Lune : Ce qui est aussi particulier dans votre projet c'est que quand même assez rapidement dans vos premières étapes de démarrage vous aviez besoin d'énormément de capital parce que vous vouliez utiliser la technologie, donc développer entre autres votre projet avec un centre de recherche. Comment vous avez obtenu votre financement?
Alexandre : Oui, bien nous, dans notre cas, on a été rencontrer les gens du ministère de l'Économie et de l'Innovation. On a regardé tous les programmes qui s'appliquaient. Puis aussi, on a été voir les centres collégiaux de transfert technologique qui sont liés avec l'Institut de technologie agroalimentaire, dans notre cas, qui se nomme Bioptère. Puis, c'est ça, on leur a présenté notre projet, notre plan d'affaires, notre vision, notre équipe aussi, de qui on s'entourait; on n'était plus juste deux jeunes qui sortaient de l'université, il y avait plusieurs gens dans l'équipe qui s'étaient joints puis donnaient de la crédibilité. Puis c'est ça, on a réussi à lever une bonne subvention qui se nomme le programme innovation volet 1, qui a été vraiment la petite pousse dans le dos au départ, qui nous a permis d'aller lever plusieurs autres financements par la suite.
Katerine-Lune : Une étape marquante à la fois pour votre entreprise, mais aussi pour votre financement, c'est quand vous avez participé à la campagne de sociofinancement avec La Ruche. Dites-nous exactement comment ça s'est passé et comment ça vous a aidé.
Alexandre : C'est clair que pour tester un marché, il n'y a rien de mieux que justement faire du sociofinancement. Nous, on a un produit qui est destiné directement aux consommateurs. Donc, rien de mieux que d'avoir l'approbation du consommateur face au produit. Donc, on a fait une précommercialisation sur La Ruche l'été dernier. On est vraiment contents. On avait comme objectif de lever plus que 100 000$ en ventes puis on a réussi à lever au total presque 300 000 $ si on compte les subventions puis les prêts qui se sont joints au projet. Donc, ça fait en sorte qu'on a levé le plus gros montant global de l'histoire de la plateforme La Ruche jusqu'à présent. Donc, on est vraiment, vraiment contents. Ça nous donne, oui, de la liquidité, du financement pour faire la phase de production puis améliorer le produit, mais aussi ça nous donne l'aspect de crédibilité, ça prouve que le marché est prêt justement à recevoir des produits comme le nôtre. Donc, c'est très prometteur pour les prochaines années.
Katerine-Lune : Ça fait aussi un effet boule de neige parce que là les entreprises ou, justement, les programmes d'aide, voient qu'il y a un intérêt du public et là, il y a plus de gens, plus d'entreprises qui vont venir vous aider au fur et à mesure que votre projet de sociofinancement est développé.
Alexandre : Exactement. Ça nous donne de l'attraction, définitivement. Puis ça nous a permis justement de s'ouvrir à différents investisseurs, à différents partenaires, des collaborateurs, des institutions financières. Donc, effectivement, ça a un levier majeur pour une entreprise comme la nôtre.
Katerine-Lune : Mylène nous parlait du programme Créavenir. Quelle différence ça a fait pour vous?
Alexandre : Le programme Créavenir nous a permis d'avoir un 5 000 $ directement en subvention. Puis en fait, ils se sont joints à la campagne La Ruche. Donc, justement, si on atteignait notre objectif de 100 000, Créavenir embarquait avec, justement, une subvention de 5 000 $ puis nous donnait accès à une marge de crédit. Donc, c'est super intéressant au départ d'avoir, oui, cet argent-là, mais c'est… tu sais, je disais aussi, ça amène un aspect de crédibilité aussi. Donc, quand tu as Desjardins qui se joint comme partenaire financier à un projet, ça donne le goût à d'autres partenaires financiers d'embarquer dans le projet puis d'y croire encore plus.
Katerine-Lune : Donc, Pascal, comment ça se passe une première rencontre avec une institution financière?
Pascal : Essentiellement, ça dépend des besoins de l'entrepreneur au départ. Ça dépend vraiment des modèles d'affaires. Il y a des modèles d'affaires qui sont plus faciles à partir que d'autres, qui ont moins besoin d'investissements. Quand on parle d'innovation, on a besoin de brûler de l'argent, entre guillemets, si vous voulez, pour essayer de faire des tests, tout ça. Si on commence son entreprise comme consultant, à ce moment-là, disons que c'est plus de lancer la machine tout simplement, d'avoir des outils d'opération, comme on parlait tantôt du côté d'Alexandre, c'est-à-dire possiblement une carte de crédit, une marge de crédit d'opération. Mais disons que les besoins d'investissements sont plus faibles. Donc, ce qu'on va vérifier au départ, c'est quel est le modèle d'affaires de l'entrepreneur. Et ensuite, où il est rendu dans son développement pour être capables de bien le guider pour la suite, c'est-à-dire de le diriger vers les bons partenaires pour l'aider à continuer sa réflexion si elle n'est pas complétée. Et puis, par la suite, s'il est rendu avec une vision complète et qu'il manque juste du financement, on va essayer de voir quelle est sa situation pour le diriger vers les bons partenaires, soit nous-mêmes dans l'institution financière ou encore les partenaires dont on parlait tantôt du côté d'Alexandre, Futurpreneur, MicroEntreprendre, bon, La Ruche, Créavenir. Tous ces programmes-là vont être des outils potentiels pour aider un entrepreneur à aller de l'avant.
Katerine-Lune : Donc, la première rencontre, c'est vraiment le moment où on prend le temps d'évaluer la situation et de trouver les bonnes ressources pour l'entrepreneur. Des fois, dans notre parcours d'entrepreneur, on n'a pas les réponses dès le début, on peut faire des erreurs. Vous, vous avez à la fois un mentor et un coach. Comment ils vous aident dans votre entreprise?
Alexandre : Notre mentor nous aiguille plus en nous posant des questions, en nous challengeant, en nous disant « As-tu pensé à tel élément? Pourquoi avoir fait tel geste? Comment ça se passe au niveau de ta gestion des ressources humaines ? » Des questions un peu plus de ce style-là. Puis notre coach, c'est vraiment plus au niveau psychologique. Bien s'entendre moi et Anthony, mon partenaire, pouvoir faire la conciliation travail-famille. Tu sais, tout ce que le monde entrepreneurial amène dans ta vie personnelle aussi parce que c'est comme un petit mariage entre moi et mon partenaire, en réalité, une convention d'actionnaires puis démarrer un aussi gros projet. Donc ça nous permet vraiment de s'aider au niveau savoir-être et savoir-faire, en fait.
Katerine-Lune : Est-ce que c'est propre à votre génération, Alexandre, de se dire qu'on a besoin d'un coach de vie? Est-ce que vous pensez qu'un démarreur, quelqu'un qui aurait démarré une entreprise dans les années 70 ou 80 aurait vu l'importance d'aller chercher une aide psychologique de cette façon-là?
Alexandre : Peut-être, notre génération, on est plus conscients peut-être des difficultés qu'on peut avoir ou des problèmes que peut nous amener, justement, l'aspect psychologique d'être dans la surexigence, de tout le temps vouloir plus, faire d'énormes semaines, faire plusieurs heures. Puis avoir des fois un certain risque aussi, quand on fait de l'innovation, il y a un certain risque financier qui vient derrière ça. Donc, clairement, notre génération est peut-être plus ouverte à ça. Puis moi, les gens qui n'ont pas de coach ou qui n'ont pas ces ressources-là à qui parler, je crois que c'est vraiment, vraiment bénéfique puis ça aide définitivement à mieux comprendre notre partenaire puis mieux s'aider dans les moments où c'est plus difficile.
Katerine-Lune : Pascal, est-ce que ça existe la définition d'un mentor idéal?
Pascal : Je ne sais pas s'il y a une définition officielle du mentor idéal. Par contre, déjà Alexandre a soulevé des points importants, c'est-à-dire que le mentor traditionnel comme moi je l'entends quand j'en parle avec les membres chez Desjardins, on va parler de quelqu'un qui va nous accompagner dans le modèle d'affaires, dans le développement de l'entreprise, dans le savoir-être de l'entrepreneur. C'est-à-dire que le mentor n'est pas là pour le savoir-faire, il ne montrera pas au boulanger à faire ses croissants. On veut qu'il soit là pour accompagner l'entrepreneur quand il a des questions de développement, quand il a des enjeux de vision, tout ça, le challenger sur sa vision à long terme, court terme, moyen terme, etc. C'est vraiment le regard extérieur. Donc, on va aller chercher si possible un entrepreneur peut-être à la retraite, un entrepreneur aguerri qui a réussi ses affaires et puis qui va amener, disons, dans ses commentaires, une certaine crédibilité. C'est-à-dire qu'on a le tempérament du côté des entrepreneurs, que ce soit en démarrage ou en milieu de vie, d'une personnalité forte, hein? On a quelqu'un qui veut accomplir sa vision, qui s'en va, qui est autodiscipliné, automotivé, etc. Donc, ce n'est pas toujours des gens qui veulent se faire dire quoi faire. Ça prend des personnes qui vont arriver avec une certaine crédibilité pour être capable de les challenger. Donc, on ne veut pas nécessairement le voisin qui nous aime bien, mais un entrepreneur qui a déjà réussi et qui va arriver avec une certaine solidité dans ses commentaires et qui va être capable d'amener des visions que l'entrepreneur n'a pas eues jusqu'à date.
Katerine-Lune : Mylène, dans un contexte de jeune entrepreneur comme Alexandre, mais aussi pour les nouveaux arrivants, on peut s'imaginer que l'entourage est d'une grande importance pour veiller au succès de l'entreprise, n'est-ce pas?
Mylène : Mais absolument. C'est très important de bien s'entourer en tant qu'entrepreneur. C'est un des facteurs de succès qui est relevé la plupart du temps par les entrepreneurs qu'on accompagne. Je pense que le témoignage d'Alexandre le prouve vraiment très bien. L'ajout d'un mentor aussi, mais ça travaille beaucoup en termes de confiance. Comme le disait Pascal, avoir quelqu'un d'autre qui croit en son projet, pas juste ton voisin ou ta grand-mère qui te trouve très gentil et merveilleux, mais un entrepreneur chevronné, un entrepreneur d'expérience. Ça donne des ailes. Les entrepreneurs qu'on accompagne disent souvent que le mentorat ou l'appui qu'ils ont reçu, mais non financier, c'est la tape dans le dos qui leur a permis de foncer, qui leur a permis d'atteindre leur objectif puis aussi de faire face à l'adversité parce que dieu sait qu'il y en a, des obstacles puis des enjeux, quand on démarre son entreprise. Puis comme je disais tout à l'heure, bien ça agit aussi au niveau de toute la connaissance de l'écosystème. Un entrepreneur qui a de l'expérience va pouvoir justement diriger, orienter un nouvel entrepreneur vers les bonnes ressources, vers les portes auxquelles on doit cogner puis les clés qui débarrent ces portes-là également. Donc, assurément, un mentor, ça fait partie des éléments de succès dans un projet d'entreprise.
Katerine-Lune : En conclusion, que diriez-vous à de futurs entrepreneurs qui n'osent peut-être pas faire le saut? Alexandre?
Alexandre : On ne sait pas tout quand on sort de l'école, surtout quand on est jeune. Puis même quelqu'un qui est plus vieux, qui part en affaires, on ne sait pas tout, donc entourez-vous des meilleurs si vous voulez être les meilleurs, puis osez entreprendre.
Katerine-Lune : Mylène?
Mylène : Moi, je dirais, ne soyez pas intimidé ni par les institutions financières ni par les organismes d'appui aux entrepreneurs. On a souvent l'impression que l'entrepreneuriat, c'est une forteresse impénétrable, mais ce n'est pas le cas. Donc, j'invite les entrepreneurs à venir cogner à la porte. Puis même si on est en prédémarrage, on a juste une idée de projet ou on a démarré notre entreprise dans notre sous-sol ou celui de nos parents, puis que notre plan d'affaires, il est dans notre tête ou dans les notes de notre iPhone, venez nous voir, cognez à la porte de votre centre Desjardins Entreprises, de Futurpreneur, de votre MRC, de MicroEntreprendre, de La Ruche. C'est notre métier de vous accompagner.
Katerine-Lune : Pascal, le mot de la fin.
Pascal : Bien effectivement, je répéterais un petit peu ce que Alexandre a mentionné. C'est-à-dire que c'est très important de se faire accompagner, en ce sens où on voit beaucoup d'entrepreneurs en démarrage qui veulent jouer, en bon français, le one woman show, one man show. Ils ont une vision, ils ont confiance en eux, ils ont de la détermination, mais on se retrouve que souvent, ça va devenir un frein au développement de l'entreprise, à sa progression rapide. C'est-à-dire que, pour faire un petit résumé, il y a toujours plusieurs choses très importantes à faire dans une vie d'entrepreneur. Le matin, quand on se lève, il y a plus qu'une tâche absolument essentielle à réaliser. Donc, on va toujours choisir celle qu'on aime le plus et puis on va négliger certaines portions. Même si on est capable de les faire, on va les retarder, on va les repousser. Donc, c'est rapidement important d'aller constituer une équipe de gestion, donc, c'est-à-dire des sous-traitants, des consultants, des partenaires, un mentor, des organisations comme Futurpreneur, CLD, l'institution financière ici, les conseillers chez Desjardins dans la coopérative, on est toujours disponibles. Donc, d'aller chercher de l'accompagnement pour pouvoir discuter parce que sinon, on se retrouve seul au monde. Donc, c'est l'élément extrêmement important, c'est-à-dire de ne pas rester seul dans son coin avec sa vision, mais d'aller se faire connaître, de connaître des partenaires et d'en profiter.
Katerine-Lune : À la lumière de nos échanges, j'ai envie de dire que de se lancer en affaires, ça prend du courage, de la détermination, mais ça prend surtout une capacité à demander de l'aide, à aller chercher de l'accompagnement et des bons mentors pour nous guider à travers l'inconnu. Merci beaucoup à vous trois.
Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 3 - Démarrage d'entreprises technologiques : quelles sont les bonnes pratiques?
2 septembre 2021 - Le secteur des technologies occupe une grande place dans notre économie. Katerine-Lune Rollet s'intéresse à l'entrepreneuriat dans ce milieu en pleine effervescence avec Louis-Philippe Poulin, président fondateur de Diffusion Solutions Intégrées, et Daniel Valois, conseiller expert d'affaires en innovation et technologies chez Desjardins.
Daniel Valois : L'innovation, c'est toujours de la cocréation. C'est toujours un échange avec l'utilisateur final.
Louis-Philippe Poulin : Aller chercher des clients, ça nous permet de voir un peu leur réalité, de nous adapter, de pivoter plus rapidement.
Katerine-Lune Rollet : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat. Pour cet épisode, je rencontre deux
invités pour parler du démarrage d'une entreprise en technologie. Bonne écoute.
Le secteur des technologies occupe une place prépondérante dans l'économie québécoise et contribue à notre rayonnement international. Aujourd'hui, je m'intéresse aux entrepreneurs de ce milieu en pleine effervescence.
Dans un contexte de démarrage, quelle est la différence entre une entreprise en technologie et une entreprise de secteur plus traditionnel? C'est ce que je vais explorer avec Louis-Philippe Poulin, président fondateur de Diffusion
Solutions Intégrées et Daniel Valois, conseiller expert d'affaires en innovation et technologie chez Desjardins Entreprises.
Louis-Philippe, votre compagnie est située à Trois-Rivières. Vous avez plus de 300 clients à travers le Canada. Quel est le produit phare ou la technologie que vous vendez?
Louis-Philippe : Notre logiciel principal s'appelle ProgressionLIVE. C'est un logiciel, dans le fond, qui vient aider les PME à automatiser leurs processus d'affaires. Pour être plus précis, vraiment, nos clients c'est des entreprises de services, exemple des électriciens, des plombiers, des gens en ventilation ou en livraison qui veulent un peu éliminer tout ce qui est papier. Donc, l'image que je donne souvent c'est les fameuses factures avec la copie jaune, la copie rose, la copie blanche. On vient éliminer ça dans le fond. On veut éliminer le papier dans les entreprises puis faire en sorte que ça puisse s'intégrer plus rapidement avec leur comptabilité, leurs commandes, donc qu'elles soient plus efficientes.
Katerine-Lune : Daniel Valois, à quoi ressemble le quotidien d'un conseiller expert d'affaires en innovation et technologie?
Daniel : Nous, notre rôle, c'est vraiment de faire à la fois la conception et le déploiement de l'offre en technologie, mais pour les entreprises. Ça vaut la peine de qualifier c'est quoi une entreprise en technologie. C'est une entreprise que sa proposition de valeur, donc le gain qu'elle offre à un client ou la solution, le problème qu'elle vient régler, bien c'est appuyé sur une technologie. Netflix, qui est à mon avis un très bon exemple, Netflix, à toutes fins pratiques, a la même proposition de valeurs que Blockbuster à l'époque. Donc, Blockbuster, qu'est-ce qu'on allait chercher, comme client? On allait chercher un vidéo pour pouvoir l'écouter chez nous, c'est du divertissement. Netflix, de leur côté, qu'est-ce qu'ils ont fait? Au lieu de se déplacer, d'aller chercher notre copie directement dans un magasin physique, bien eux disent vous allez avoir accès à toute cette même bibliothèque là, mais directement chez vous grâce à une technologie. Les technologies, ça évolue dans un milieu régulièrement qu'on qualifie de volatil, incertain, complexe et ambigu. Les nouvelles technologies arrivent tous les jours. Ce qui était intéressant il y a quelque temps peut changer très rapidement. Donc, pour ça, ça prend des processus, ça prend des produits qui sont très adaptables. On est là, vraiment, d'abord et avant tout, pour nos membres, s'assurer qu'on a quelque chose de bon pour eux. Nous, ce qu'on vient faire c'est qu'on vient prendre un processus qui est souvent inefficient, qui est souvent très long, qui peut avoir des erreurs, puis on vient le rendre plus efficient. Donc, on permet à une entreprise de faire plus avec moins. Et puis c'est exactement ça qu'on fait avec toutes les solutions de Diffusion Solutions Intégrées.
Katerine-Lune : Justement, parlons-en de votre relation. Louis-Philippe, comment ça se passe au quotidien avec Daniel?
Louis-Philippe : Essentiellement, c'est une relation qui a évolué, mais ça s'est vite transformé en une relation plus de coaching, de mentorat, d'intégration dans l'équipe même du comité de direction. Souvent, en technologie, on aime beaucoup l'innovation, on veut pousser pour créer de nouvelles choses, mais par contre on ne sait pas si ça va fonctionner. Puis, ça crée des fois un peu d'incertitude au niveau des employés, dans le fond, qui peuvent peut-être être, on va dire, pratiquement méfiants parce que ça les sort un peu de leur zone de confort. Mais pourquoi on fait ça, c'est pour justement essayer d'être en avant de la parade parce que l'exemple que Daniel a nommé, on voit Blockbuster versus Netflix, il y en a un des deux qui n'était pas au-devant de la parade, qui a manqué un peu le virage, je pense. Puis ce que Daniel nous apporte c'est un peu nous montrer, avec son expertise, puis d'autres mandats, d'autres firmes qu'il voit, un peu nous aider là-dedans. Parce qu'il se trouve qu'on est quand même une petite entreprise à 30-35 employés. On ne peut pas avoir des employés temps plein qui font que de la veille stratégique ou que de l'analyse de marché. Donc, il faut être un peu à l'affût. Donc pour ça, ça vient stimuler cet intérêt-là dans toute l'entreprise.
Katerine-Lune : Dans les épisodes qu'on fait, de Libres échanges, tous nos invités, sans exception, nous ont dit l'importance d'avoir un coach, un mentor, des gens qui nous guident à travers notre parcours d'entrepreneur. Est-ce que c'est aussi vrai dans le domaine de la technologie?
Daniel : C'est vrai que c'est important, mais encore là, la volatilité et l'incertitude, le fait que tout change de manière constante, fait en sorte que c'est encore plus important, je crois, dans ce secteur-là, parce qu'on n'a pas le choix d'avoir le nez rivé sur nos opérations. On n'a pas le choix d'être constamment en train de développer ce qu'on fait, de bien répondre aux besoins de nos clients. Puis, juste de temps à autre, quelqu'un qui est capable d'avoir un œil externe, ce comité consultatif là, moi, c'est ce que j'essaie de pousser le plus possible, c'est quelqu'un qu'on peut appeler des fois aussi rapidement que 5 minutes pour dire « Hé, si je te dis que j'ai telle idée, je m'en vais-tu dans le champ complètement? » Puis en même temps, d'avoir des gens du comité consultatif qui peuvent amener des idées de l'externe ou avoir des opportunités ou des risques qui sont sur le radar. Je crois que c'est essentiel dans ce secteur-là. Maintenant, je crois que c'est aussi important dans tous les secteurs. Mais le marché dans lequel évoluent les technologies fait en sorte qu'une entreprise manufacturière, souvent on va parler d'un comité consultatif lorsqu'elle est un petit peu plus mature. Tandis qu'en technologie, on devrait quasiment en avoir un en partant ou s'assurer d'avoir un coach quelque part pour nous supporter. Je crois que ça doit se faire très, très, très rapidement en technologie.
Katerine-Lune : Louis-Philippe?
Louis-Philippe : Quand qu'on est entre nous dans l'entreprise, on finit toujours par avoir les meilleures idées puis on se convainc que c'est les meilleures idées puis qu'on est vraiment bons là, qu'on est les meilleurs. Puis finalement, quand quelqu'un arrive de l'externe puis il nous arrive avec deux, trois questions là, pointues, là on fait comme oups! On n'avait pas pensé à ça. Ça fait que donc, notre meilleure idée ou notre meilleure décision, finalement, elle était peut-être un peu pourrie.
Daniel : Tu sais, des fois, on dit c'est important d'apprendre de ses erreurs. Il y a encore mieux que ça : essaie d'apprendre des erreurs des autres!
Louis-Philippe : Oui, c'est ça!
Katerine-Lune : Parlons du démarrage des entreprises en technologie. Est-ce qu'il y a peut-être des erreurs que les entrepreneurs commettent fréquemment?
Louis-Philippe : C'est difficile de répondre parce que je ne sais pas si c'était des erreurs ou si c'était de l'apprentissage que j'ai réalisé. Mais moi, j'ai créé une entreprise. J'avais 24 ans quand j'ai commencé. C'est sûr qu'on n'a pas été chercher beaucoup d'aide externe. On n'a pas été chercher non plus vraiment d'argent. On a fonctionné sur nos propres fonds autogénérés. Ça fait en sorte que ça a peut-être été un peu moins rapide. Moi, le conseil que j'avais reçu, le seul à l'époque qui venait de mon comptable, c'était aller chercher des clients. Puis je pense que c'est encore bon ce conseil-là. Parce qu'aller chercher des clients, aller rencontrer ça va être qui finalement qui va utiliser notre service, notre produit, ça nous permet de voir un peu leur réalité, de nous adapter, d'éviter d'être un peu tout seul dans notre coqueron à faire un produit puis au bout d'un an, deux ans, tadam! Voici mon logiciel, mais finalement qui ne répond peut-être pas tant à des besoins. Ça nous permet, du moins, peut-être, de pivoter plus rapidement. Moi, c'est ça qui est arrivé.
Katerine-Lune : Daniel?
Daniel : Ça, c'est un très bon point. On fait de l'innovation. On fait de l'innovation où est-ce qu'on se présente à des clients avec notre petite équipe. Puis souvent, notre équipe c'est nous, c'est la seule personne. On se présente devant le client, puis comme n'importe qui qui passe une commande, on essaie de bien déterminer c'est quoi son besoin à lui. Puis après ça, bien nous, on prend tout plein de notes de ses besoins puis on ramène ça à notre petite équipe puis là on dit ah bien, ça, c'est ma compréhension du besoin. Puis là, on part à essayer de sortir une solution complète. Puis là, il arrive, moi j'appelle ça, excusez l'expression, mais un trip de programmeur, où est-ce qu'un moment donné, bien c'est le fun parce qu'on se dit « hé, tant qu'à y être », un peu comme quand on fait notre nouvelle maison, « tant qu'à y être, on pourrait faire ça, ça serait bien ». Puis là, on se ramasse dans une situation où est-ce qu'on avait une demande initiale qui a été bonifiée, puis lorsqu'on livre la solution au client, souvent, ce qu'on a comme réponse c'est « ce n'est pas ça pantoute que je m'attendais! » Puis ça, bien la réalité, c'est que ce n'est pas… c'est un problème partagé, mais qui va toujours être là en innovation, c'est que ce n'est pas tant qu'on a mal compris ce que le client voulait, c'est que quand on fait de l'innovation, souvent, on fait quelque chose de nouveau. Ça fait que c'est même difficile pour le client de comprendre lui, parfaitement, qu'est-ce qu'il veut lui-même. Ça fait que la fameuse solution d'une proposition a valeur minimale, de sortir rapidement quelque chose vers le client ; moi, l'analogie qui me vient en tête c'est celle du gâteau là, tu sais. On essaie de livrer le gâteau avec le crémage, avec les petites princesses dessus puis le texte, puis toutes les paillettes, puis de le livrer au client. Puis c'est toujours décevant parce qu'on se fait dire ce n'est pas ça pantoute que je voulais. Le principe en technologie, souvent, il vaut mieux essayer de faire le gâteau pas dans son ensemble d'un coup, mais de le faire par pointe puis de faire goûter une pointe au client le plus rapidement possible pour savoir « C'est-tu ça que tu t'attends jusqu'à date? Oui, bon bien parfait, on va continuer puis on va développer ensemble. » L'innovation, c'est toujours de la cocréation. C'est toujours un échange avec l'utilisateur final pour comprendre qu'est-ce qu'il aime, qu'est-ce qu'il n'aime pas. Puis ça prend aussi une ouverture d'esprit pour être capable de dire bien peut-être que notre vision initiale, ce n'était pas la bonne. Puis c'est le client qui va nous dire ultimement qu'est-ce qu'il faut.
Katerine-Lune : Est-ce qu'il y a une différence entre le démarrage d'une entreprise en technologie et celui d'une entreprise plus traditionnelle?
Daniel : Moi, ce que je vois qui est assez typique des entreprises en technologie, c'est que, de plus en plus, on voit des entreprises qui ne développent pas tant une entreprise, ils développent une technologie. Une entreprise, ce n'est pas juste ta proposition de valeur, c'est ça va être qui tes clients? C'est qui tes segments de clients? Comment tu vas communiquer avec eux? Comment tu vas vendre ton produit, ton modèle de revenus, tes partenaires clés, tes activités clés? L'assemblage de tout ça, à l'époque, et dans les autres secteurs, ça vient d'emblée. En technologie, on dirait qu'assez rapidement, on est tellement focussé sur régler un problème spécifique qu'on part avec une technologie puis on néglige beaucoup, justement de dire, on n'est pas en train de développer juste une technologie, on est en train de développer une business au complet. Puis ça, ça implique qu'avant même d'aller trop loin dans le démarrage, il faut se poser la question : « OK, ma technologie, est-ce que je génère un gain pour quelqu'un ou je règle un problème pour quelqu'un? » Première chose, il faut au moins qu'on ait ça. Mais après ça, on a bien beau régler un problème qui existe, bien, OK, comment je vais aller joindre ce marché-là? Mais il faut ne serait-ce qu'avoir à l'esprit qu'on n'est pas en train de développer une technologie, on est en train de développer une entreprise. Puis ça, je crois que c'est un élément qu'on voit plus en tech que dans tous les autres secteurs.
Katerine-Lune : J'imagine que, Louis-Philippe, cet exemple-là vous parle parce que ça a été votre cas à vous. Vous avez démarré votre entreprise avec votre colocataire qui était aussi quelqu'un qui étudiait avec vous. Est-ce que ça c'est un défi pour les entrepreneurs qui dirigent des entreprises en technologie de se dire bien moi, je suis un programmeur, mais un moment donné je réalise que j'ai besoin d'aide en marketing, que j'ai besoin d'aide en comptabilité. Est-ce que c'est comme un choc des fois dans leur parcours d'entrepreneur?
Louis-Philippe : Bien je pense qu'en technologie ou dans d'autres domaines, un classique c'est d'essayer de s'entourer des meilleures personnes alentour de nous pour venir compléter qu'est-ce qui nous manque comme forces. Par contre, ça, c'est plus difficile à faire au début quand on n'a pas vraiment de sous, de moyens financiers, pour embaucher des personnes. Donc, dans mon cas, c'est un peu moi qui ai développé des aptitudes en allant chercher des formations à gauche, à droite, des perfectionnements. J'étais un peu plus généraliste finalement donc j'étais capable de faire un certain bout de chemin autant en comptabilité qu'en ventes qu'en analyse. Mais ça, ça fait un temps. Après ça, c'est sûr qu'un moment donné, quand on vient compléter l'équipe, là, je dois avoir des gens qui vont venir m'appuyer. En fait, le but c'est d'embaucher des gens qui sont meilleurs que moi. Donc là, maintenant, tout le monde est meilleur que moi puis tant mieux, dans leur spécialité, dans leur domaine.
Katerine-Lune : Probablement que tous les entrepreneurs qui nous écoutent de différents domaines se disent bien il faut toujours rester innovant, mais je pense que c'est particulièrement vrai évidemment dans tous les domaines des technologies. Est-ce que cet appétit de ce qui est nouveau est essentiel?
Daniel : Définitivement! En tout cas, je ne veux pas parler pour toi, Louis-Philippe, je serais bien surpris qu'on aille des réponses différentes là-dessus. En technologie, honnêtement, il y a beaucoup des compétences que j'avais voilà quatre ans, cinq ans qui aujourd'hui, bien mon dieu, je ne sais même pas si je m'en sers un pour cent de mon temps. Puis la principale qualité, je crois, qu'on a… puis dans nos échanges avec Louis-Philippe c'est souvent ça, on a tous notre bibliothèque qui est bondée puis on finit toujours par une discussion de « Hé, es-tu au courant de ça qui s'en vient? » Puis on ne développe pas en fonction de l'expérience de ce qu'on a appris du passé. D'une part oui, mais nos décisions sont beaucoup orientées en fonction de notre compréhension de ce qui s'en vient. Tu sais, c'est un petit peu comme la citation de Wayne Gretzky : « Il ne faut pas aller où est-ce que la puck est, il faut s'en aller où est-ce que la puck s'en va. » Bien c'est ça en technologie. Puis ça, ça vient juste avec de la curiosité, je crois. C'est ça la solution.
Katerine-Lune : Louis-Philippe?
Louis-Philippe : Nous-mêmes, quand on est arrivés sur le marché, on était deux personnes dans un appartement à Montréal qui ont comme créé un logiciel. Puis on a commencé à avoir des clients, 1 puis 2, puis 10, puis 50. Mais finalement, on allait chercher ces clients-là puis ce n'était pas un compétiteur qui allait les chercher qui était établi puis qui avait une grosse liste de clients, c'était une petite entreprise de deux personnes. Ça fait que nous, on peut se le faire faire nous-mêmes ce coup-là par quelqu'un qui redémarre demain matin. Donc, c'est dans cet aspect-là aussi que c'est ultra compétitif. Les compétiteurs, ce n'est pas un compétiteur qui est l'autre bord de la rue ou dans la ville d'à côté, c'est un compétiteur qui est carrément mondial. Donc, ça peut être n'importe quelle entreprise située on ne sait pas où qui va faire une offre puis qui va devenir un peu le bon produit qui répond à un bon besoin, qui va venir dominer un marché. Ça fait qu'en ayant cette idée-là en tête, on se dit il faut toujours être comme on mentionnait en avant de la parade, de penser à l'innovation.
Daniel : Tu sais, souvent, notre compétiteur en technologie, ce n'est pas celui qu'on connaît depuis toujours qui fait sensiblement la même affaire que nous, mais qui va le faire mieux du jour au lendemain. C'est souvent une startup qui arrive avec une petite portion de tout ce qu'on fait, mais qui le fait via une nouvelle technologie. Puis là, ça nous arrive de côté puis on ne l'a pas vu venir.
Katerine-Lune : Est-ce qu'il y a aussi une particularité quand on travaille dans les nouvelles technologies – et là, on s'adresse à des clients qui peut-être ne nous comprennent pas – comment on doit s'adresser aux clients?
Louis-Philippe : Moi, c'est un peu pour ça que je ne programme plus, c'est que je suis devenu vulgarisateur technologique. Donc, ça a été ça essentiellement, surtout dans notre domaine vu que c'est beaucoup des PME. C'est des gens qui n'ont pas de département informatique, par exemple, à l'interne, qui n'ont pas de ressources ou de compétences vraiment pour gérer ça. Donc, on devient un peu, on va dire, vulgarisateur, formateur. Beaucoup d'accompagnement, finalement, qu'on doit vivre au quotidien. Oui, on a le patron qui décide de dire on va implanter une technologie, on veut ça. Mais finalement, ce n'est pas lui qui va participer à l'implantation. Ce n'est pas lui qui va l'utiliser, c'est ses employés. Puis eux, ils ne sont pas nécessairement convaincus parce qu'on vient modifier leur façon de faire. On vient changer leur routine, ça fait que déjà là, on a un premier obstacle. Puis deuxièmement, ils ne sont peut-être même pas à l'aise non plus en technologie. C'est ça qui va faire un peu le succès ou l'échec d'une implantation, c'est le désir de vouloir que ça fonctionne. Mais c'est de les préparer à accueillir cette nouvelle technologie puis voir ça comme un allié.
Katerine-Lune : Daniel, vous voulez rajouter quelque chose?
Daniel : Je crois que l'élément clé en technologie, c'est que la valeur et la qualité de notre proposition du service qu'on offre, ce n'est pas à nous même d'en juger. Puis ça, c'est l'erreur souvent qui est faite. C'est le client ultimement qui va en juger. Puis en ce sens-là, on vaut autant que ce qu'on est capable de faire comprendre, pas que ce qu'on est capable de faire, mais de ce qu'on est capable de faire comprendre à nos clients.
Katerine-Lune : Est-ce que vous auriez des conseils à donner à un entrepreneur en technologie qui souhaite aller chercher du financement?
Daniel : Tout part de un, s'assurer de ne pas se présenter devant une institution financière juste avec une technologie, mais de s'assurer de se présenter avec un modèle d'affaires complet. Moi, l'outil par excellence, le fameux business model canvas, où est-ce que c'est de synthétiser en neuf points clés sur une seule page les éléments fondamentaux de notre modèle d'affaires. L'autre point que je mentionnerais, s'assurer d'être accompagné lorsqu'on fait les démarches auprès de l'institution financière. Il y a de la valeur ajoutée importante à être bien accompagné par des professionnels lorsqu'on fait ses démarches auprès du marché. L'autre élément que j'aimerais amener dans la réflexion, c'est bien comprendre c'est quoi nos objectifs d'affaires. Pas juste sortir les buzz words, excusez le terme, mais assurez-vous d'être cohérent puis de vraiment comprendre c'est quoi vos objectifs à court, moyen, long terme. De bien les traduire dans des projections financières. De bien comprendre, vous, vous êtes à l'aise comment dans la gestion d'une entreprise. Certains sont plus à l'aise comme gestionnaire avec un haut niveau d'endettement. D'autres vont dire bien moi, j'aime ça avoir plus de sécurité, puis plus d'air, puis plus de flexibilité pour ma gestion. C'est important de se connaître soi-même comme entrepreneur puis d'avoir de bons outils pour bien comprendre ça, je crois que c'est essentiel.
Katerine-Lune : Louis-Philippe, s'il y a deux colocataires qui habitent dans leur appartement à Montréal puis qu'ils veulent lancer une entreprise, quels seraient le ou les conseils que vous leur donneriez?
Louis-Philippe : C'est sûr que le volet client, moi, ça m'a toujours attiré parce que je trouve que c'est, entre guillemets, assez simple. Puis en même temps, si on veut créer justement une entreprise puis on n'est pas focussé juste sur la technologie, bien on va avoir des gens qui vont l'utiliser cette technologie-là. En plus, ils vont pouvoir nous donner des commentaires. Ça fait que de trouver quand même assez rapidement des clients ou des gens prêts à participer à l'élaboration. Puis en informatique, on utilise le terme MVP, le minimum viable product. Donc, un produit qui fonctionne, mais au minimum des requis. Donc, il y manque peut-être des boutons, de l'esthétique, peut-être qu'il y a des fonctionnalités qui ne sont pas encore là, mais on essaie d'y aller vraiment à l'essentiel. Donc, ça nous permet d'y aller plus rapidement puis que des gens l'essaient. De ne pas avoir peur, dans le fond, de le faire essayer à des clients ou à d'autres personnes parce que plus rapidement qu'on fait ça, plus rapidement qu'on va avoir une rétroaction qui va nous permettre de s'adapter. Donc, d'adapter tout de suite notre produit, notre technologie, puis qui va peut-être répondre finalement à un besoin qu'on n'avait même pas tant identifié, qu'on ne pensait pas que c'était le besoin le plus important. Ça fait que donc, ces deux aspects-là, moi, ce serait un peu ça que je conseillerais. Parce que finalement, si on démarre une entreprise en technologie, vu qu'on n'a pas besoin de tant d'investissement, bien je trouve que c'est des conseils que ça peut être rapide puis on peut rapidement tester le marché. Donc, voir si on a fait de bonnes décisions ou de bons choix.
Katerine-Lune : Daniel Valois, Louis-Philippe Poulin, merci beaucoup de vos conseils et observations très imagés qui nous permettent de bien comprendre votre domaine. Alors longue vie à Diffusion Solutions Intégrées et aussi à
votre complicité en affaires.
Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 2 - Femmes en entrepreneuriat : quelles compétences développer?
2 août 2021 - En 2021, seulement 16 % des entreprises sont détenues majoritairement par des femmes. Notre animatrice rencontre 2 entrepreneures d'exception : Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseau des Femmes d'affaires du Québec, et Mériane Labrie, présidente fondatrice de Madame Labriski.
Mériane Labrie : On a un côté d'entraide. On va vouloir s'aider entre nous et ça, c'est une très grande force.
Ruth Vachon : Et on a besoin d'avoir des modèles qui inspirent à tous les niveaux.
Katerine-Lune Rollet : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises où je me penche sur différents thèmes liés à l'entrepreneuriat. Aujourd'hui, je rencontre deux femmes
d'exception pour parler d'entrepreneuriat au féminin. Bonne écoute.
En 2021, seulement 16 % des entreprises au pays sont détenues majoritairement par des femmes. Quelles compétences doit-on acquérir pour prendre une plus grande place dans le marché?
Aujourd'hui, je m'entretiens avec deux femmes entrepreneures pour discuter de leur parcours professionnel, des défis qu'elles ont rencontrés et des leçons qu'elles en ont tiré.
Ruth Vachon, bienvenue à Libres échanges. Vous avez longtemps été une entrepreneure vous-même et maintenant vous êtes PDG du Réseau des femmes d'affaires du Québec. Comment le Réseau aide les femmes entrepreneures?
Ruth : Le Réseau, cette année, c'est notre 40e anniversaire. Ça fait 40 ans qu'on est là et la majeure du réseau c'est surtout pour aider des femmes entrepreneures à connecter à différentes opportunités. Alors on est classé comme un réseau qui est très, très terrain pour aider les femmes à obtenir des contrats qui autrement auraient pu être plus difficiles à obtenir.
Katerine-Lune : Donc, au fond, quels services vous offrez aux femmes entrepreneures?
Ruth : Notre volet pour les femmes entrepreneures, c'est vraiment d'aller chercher des grandes entreprises et de les sensibiliser à l'impact de chacun des petits gestes pour qu'ils achètent auprès des femmes entrepreneures et des autres groupes issus des minorités.
Katerine-Lune : Parce que pour vous, le potentiel économique, c'est vraiment l'élément très important pour les femmes entrepreneures?
Ruth : Je le ramène tout le temps parce que c'est presque viscéral. Souvent, on me demande pourquoi on parle encore d'entrepreneuriat féminin alors qu'on ne parle pas d'entrepreneuriat tout court. C'est que le parcours est différent dans le temps. On a beaucoup moins de longévité que nos confrères masculins. Moi, quand je suis arrivée, je me disais « bien voyons, on est plus là, on ne parle plus de ça ». Mais au-delà de ce qu'on peut penser, les chiffres parlent d'eux-mêmes parce que, comme je vous disais tantôt, nous, on parle, au Réseau, dans l'angle de l'obtention de contrats pour les femmes entrepreneures, mais la statistique concernant ces contrats-là c'est qu'il y a juste 1 % des contrats qui sont alloués aux femmes entrepreneures quand on parle aux grandes entreprises. Alors 99 % des commandes vont ailleurs que dans les mains d'une femme entrepreneure.
Katerine-Lune : Notre deuxième invitée a créé une entreprise pour faire la guerre aux sucres raffinés en créant des produits alimentaires à partir de son ingrédient chouchou, la purée de dattes. Mériane Labrie est la fondatrice de Madame Labriski. Peut-être, d'abord nous dire qui est Madame Labriski?
Mériane : Madame Labriski, c'est parti d'un blogue. Maintenant, on est à 300 000 exemplaires vendus de livres culinaires au Québec. Deux publiés au Canada anglais et aux États-Unis, un publié en France. Je suis à 12 produits alimentaires disponibles en épicerie, toujours tout est sucré à la purée de dattes. Il y a des tournées de conférences où je donne autant des conférences aux jeunes de maternelle qu'aux VP d'entreprises. Donc, différents sujets, c'est la marathonienne qui parle, c'est la femme convaincue dans la vie, c'est la visionnaire. Et il y a aussi une collection de romans jeunesse dans laquelle Mini Labriski parle aux enfants, elle leur démontre que lorsqu'on mange bien, qu'on croit très fort en soi tout est possible.
Katerine-Lune : Ruth, est-ce qu'on peut dire que Mériane est capable de faire un bon pitch de vente?
Ruth : On peut dire qu'elle est capable de faire un bon pitch de vente et qu'elle pourrait entraîner énormément de gens. Mais l'art du pitch, on ne vient pas toutes au monde avec. Tu sais, les Mériane, il n'y en a pas à tous les coins de rue, bien qu'on en voudrait plus. On a besoin de se pratiquer, de se préparer. Se préparer en groupe à pitcher, je vais te dire une affaire, c'est extrêmement puissant.
Katerine-Lune : Effectivement, ça doit être un très bon exercice à faire. Mériane, visiblement, vous, vous êtes une vendeuse née, mais ce n'est peut-être pas inné chez tout le monde. Avez-vous des conseils à nous donner?
Mériane : Je dis toujours que c'est primordial pour l'entrepreneur. On est les meilleurs vendeurs de notre produit. On se doit de maîtriser cet art et c'est un muscle qui se travaille. Je dis un muscle, parce que ça se travaille. Ce qui est important, c'est que rapidement les gens comprennent pourquoi notre idée est brillante, pourquoi notre entreprise, notre produit est indispensable? Ensuite, il faut y rajouter notre couleur pour faire en sorte qu'on s'assure que les gens se souviennent de nous. Parce que je dis souvent aux gens ça vient du cœur, après ça, c'est notre élan. Faites comme quand vous étiez une petite fille ou un petit garçon dans votre miroir puis vous chantiez tout seul. On a tous fait ça, c'est la même chose. Il faut oser puis c'est aussi une question de confiance. Crois-tu en ce que tu fais? Oui? Bien les étoiles que tu as dans tes yeux, travaille-les pour les mettre en mots, avoir 100, 120 mots qui font comme bang, bang, bang, bang, bang, bang, bang. Et là, les gens vont dire lui, elle, je la veux, je veux son produit. Hé bien, moi, je crois énormément en ça.
Katerine-Lune : Pouvez-vous nous faire un portrait des femmes entrepreneures au Québec?
Ruth : Il y a 16 % des femmes qui détiennent leur entreprise en majorité. Mais quand on va plus loin un petit peu en nombre d'employés, c'est moins de cinq employés. Alors, ça veut dire qu'il y a des opportunités qui se perdent quelque part parce que tu n'as pas le temps de tout faire. Alors, c'est pour ça que nous, on s'est concentrés sur ce créneau-là, comment aider ces femmes-là dont les entreprises sont en croissance et qui ont le goût d'avoir des contrats et qui ne sont pas nécessairement aptes à aller sur le terrain tout le temps pour être capables de développer. C'est vrai que, souvent, on vient au monde avec une très grande confiance en nous, mais ce qui nous empêche d'avancer et d'aller plus loin, c'est souvent l'estime qui est accrochée à cette confiance-là. Moi, j'ai confiance que demain matin je vais aller à telle place et je vais foncer, je vais y aller. Par contre, ce qui me freine souvent, c'est l'estime qui est accrochée à ça, en disant je pense que je ne serai pas… la valeur que j'accorde à ce que je fais, j'ai tendance à la diminuer et ça, c'est un frein qui est très présent à l'évolution de notre entreprise. Alors, quand tu as moins de cinq employés, ça veut dire que tu as besoin d'un coup de main pour être capable de développer tes marchés.
Katerine-Lune : Quelles sont les forces des femmes en affaires?
Mériane : La force de la femme en affaires… c'est sûr, je crois, qu'on a un côté, je vais dire émotif. Et ça, je le constate beaucoup par exemple dans le réseau des femmes, que ce soit le Réseau des femmes d'affaires, que ce soit avec d'autres réseaux. On a un côté émotif, on a un côté d'entraide. On va vouloir s'aider entre nous et ça, c'est une très grande force. Moi, c'est tout mon cheminement selon mon parcours, d'où je viens. Je ne viens pas d'une famille d'entrepreneurs, je ne viens pas d'une famille de parents qui étaient aisés non plus. Maintenant, j'ai 43 ans et moi, comment je me sens là, je me sens comme une Jeanne d'Arc qui se promène avec une machette pour faire avancer son chemin. Mais ça, c'est mon histoire à moi. Il n'y a rien pour m'arrêter. J'ai un devoir d'être prête, d'avoir une vision, d'être bien attachée, de bien faire ce que je fais. Je ne me suis jamais dit « Ah bien là, je suis une femme ». Je ne viens pas de cette génération-là, probablement. Moi, je suis une femme et je vais faire mon chemin. Ça vient de mon éducation, ça vient du fait que je suis marathonienne, que peu importe ce que je fais, si je me prépare, si j'ai une vision puis je me prépare, j'arrive à mes fins. Moi, c'est le marathon, pour vrai, c'est la course à pied qui m'a enseigné le chemin de l'entrepreneuriat, qui m'a donné des outils, qui m'a démontré que je n'avais aucune limite et que je pouvais avancer.
Katerine-Lune : Mais c'est vrai qu'être en affaires c'est un long marathon, ce n'est pas un sprint. Je pense qu'il faut toujours garder ça aussi en tête pour les entrepreneures. Ruth, de votre côté, quelles sont les forces des femmes en affaires?
Ruth : Moi, je dirais la détermination. Les femmes ont un but. Mais une des embûches, je dirais, c'est souvent de prendre un moyen comme une fin. Alors, quand je pose un geste, je m'attends que c'est le bon. Alors, la détermination va sauver tout ça parce qu'on va se reprendre, entre guillemets. Je trouve que les femmes sont extrêmement courageuses aussi. Parce qu'on n'a pas tendance à prendre le chemin le plus court. On va prendre bien des petits détours pour arriver là où on veut. Mais, la détermination et le courage vont sauver. Et souvent les femmes, avec un petit coup de pouce, elle parlait de l'entraide, Mériane, avec un petit coup de pouce, la femme va très, très loin.
Katerine-Lune : Est-ce que ça se peut que les femmes se mettent elles-mêmes des bâtons dans les roues? Une femme va regarder un poste, si elle n'a pas 100 % des compétences qui sont demandées pour ce poste-là, elle n'appliquera pas. Alors qu'un homme, s'il a 50 %, 70 % des compétences demandées, il va y aller. Est-ce que les femmes, nous-mêmes, on se sabote d'une certaine façon?
Ruth : C'est vrai que la femme d'affaires, quand il y a un emploi à postuler, si elle n'a pas l'impression qu'elle détient 100 % de ce qui est demandé dans l'appel d'offres, elle va souvent s'abstenir parce qu'elle pense qu'elle n'a pas la compétence. Alors ça prend un petit coup de pouce. On est souvent… je le dis souvent, on est la plupart du temps le plus grand frein nous-mêmes. On n'a pas besoin des autres pour nous mettre les bâtons dans les roues très, très souvent. Mais je suis certaine que Mériane a quelque chose à dire là-dessus.
Mériane : Quand j'ai commencé dans l'industrie alimentaire que je ne connaissais pas, moi, je demandais des choses. Et à l'époque il y a des gens autour de moi qui disaient bien non, tu es petite, tu ne peux pas, bien non, tu es petite, tu ne peux pas. Et moi, ça me dérangeait. D'ailleurs, j'avais un associé masculin que j'ai racheté parce que je ne voulais plus entendre ça. Moi, c'était « on avance ». Moi, je suis encore au stade où j'ai plusieurs chapeaux. Là, je suis en crise de croissance et puis c'est une grande, grande étape. Ça fait qu'il y a des aspects que j'ai moins confiance. Là où j'ai confiance, j'ai vraiment confiance et, je le sais que j'ai des forces en communication, ce qui est un grand atout, mais il y a sur des aspects que je manque de confiance, c'est sûr, tu sais.
Katerine-Lune : Quelle est l'importance de bien s'entourer? Vous venez de le dire Mériane, vous êtes dans un point charnière de votre entreprise, vous voulez croître davantage. Vous voulez même aller vers des sources de financement, ce que vous n'avez jamais fait avant parce que vous n'avez pas emprunté. Vous avez payé tout au fur et à mesure en fonction, entre autres, de vos ventes de livres et de vos produits transformés. Comment on sait bien s'entourer puis comment on sait quand le faire?
Mériane : Avant, je pensais que s'il fallait que j'aille chercher de l'argent, c'était parce que je ne réussissais pas. Mais ce n'est pas bon de penser comme ça. Aujourd'hui, je le sais, j'ai eu cette chance-là de pouvoir réinjecter, de pouvoir réinjecter. Mon entreprise, elle n'a pas de dettes. Je viens d'un milieu où on n'en a pas eu beaucoup. Je travaille depuis que j'ai l'âge, depuis que j'ai 11 ans. Donc, ça venait de ce petit côté-là, de petite souris, que là, je me rends compte et je me dis non Mériane, tu vas propulser ton entreprise, tu vas y aller. Donc, je suis en train de monter mon dossier. Moi, en ce moment, je fais un cheminement pour m'aider dans ma croissance et ce n'est pas si évident que ça. Mais moi, je suis rendue à un delta. Soit que je reste en statu quo, soit que, entre guillemets, je prends des risques, c'est-à-dire que je dois engager pour passer à une autre vitesse. Pour que moi, je puisse faire des tâches où là j'excelle vraiment, pas les tâches que je ne vous parle pas où là, peut-être, Ruth fait « Oh, Mériane, je ne te reconnais pas! » Mais c'est une grande étape de dire OK, là, il faut que j'aille chercher du monde parce que sinon je ne suis pas capable de suivre la parade. Sinon c'est que je vais perdre ma santé. Ce n'est pas si évident que ça.
Katerine-Lune : Ruth, vous dites souvent que les femmes se font d'abord conseiller par des gens très proches d'elles : leur conjoint, leur famille, leur voisin, alors que ce n'est peut-être pas les meilleurs conseillers pour les aider dans leur entreprise.
Ruth : C'est très bien dit. Bien en fait, ça fait un peu du pouce sur ce que Mériane vient de dire parce qu'elle dit « va falloir que j'aille emprunter, je n'ai pas été encore ». Et ça, c'est un comportement qui est typiquement féminin, où souvent on va prendre l'argent qui est dans notre petit bas de laine à nous. Quand on a pris notre bas de laine à nous, on va aller prendre celui de la famille, ce qu'on appelle le love money. Puis après, quand on en a plus, bien on va à la banque. En fait, c'est quand on démarre que c'est le temps d'aller, où est-ce qu'on a un petit peu d'argent, on a un capital investi, où est-ce qu'on est capable de le faire profiter. Alors là, ce qui se passe dans la réalité, quand j'ai pris mon argent, que j'ai pris le love money, que je me ramasse autour de mon comité consultatif étant égal le souper du samedi soir où j'ai mon conjoint et ma mère qui m'a prêté de l'argent, à titre d'exemple, et que quelqu'un me pose une question : « Puis, comment ça va, ton entreprise? » « Ah, ça va très bien, je suis en train de penser à prendre de l'expansion. » Alors le conjoint, qui est à la maison, qui a aussi contribué financièrement, se dit « Ah! ». Lui, dans sa tête, la pensée c'est « Ah, demain ça veut dire que ma femme va être un petit peu moins à la maison ». Et la mère qui entend le même discours, elle c'est « Oh, tout à coup que ma fille prend de l'expansion et qu'elle fait faillite. Alors, ah, à ce moment-là, danger pour ma fille. » Et l'entrepreneure femme de dire « Je suis tellement bien supportée, je suis entourée de gens qui m'aiment et qui me donnent des bons conseils », me donnent des bons conseils qui sont en conflit d'intérêts tout le temps. Alors, l'art de bien s'entourer, c'est d'aller chercher du conseil qui est hors du conflit d'intérêts parce que celui-là, on ne sait pas, est-ce que c'est le conjoint qui parle ou est-ce que c'est la personne en qui j'ai confiance qui va me donner le conseil que j'ai besoin d'avoir en ce moment.
Katerine-Lune : Comment ça se passe quand on va rencontrer, justement, un conseiller financier, qu'on va chercher du financement? Est-ce que là aussi, les femmes ont une vision différente de comment il faut arriver préparé versus peut-être comme comment certains hommes entrepreneurs vont arriver devant leur conseiller financier?
Ruth : Bien sûr, parce que nous, on arrive avec la peur du rejet. Alors, j'ai tellement peur d'avoir un non que je vais préférer ne pas y aller. Alors que l'homme, lui, il va faire ce qu'on doit faire depuis tout le temps, c'est : « Je n'ai pas besoin d'argent, mais j'aimerais ça que tu saches où est-ce que j'ai le goût de m'en aller dans la vie. Alors, je bâtis cette relation avant d'aller plus loin. » Ton directeur de compte, c'est ton meilleur allié. C'est une relation qui se construit parce que dans la vraie vie il faut que tu aies un contact régulier avec ton directeur, ta directrice de compte.
Katerine-Lune : Donc, dans une situation où les femmes vivent du rejet, que ce soit parce que notre idée n'a pas été prise ou parce qu'on n'a pas obtenu le financement qui était voulu, comment on vit avec ce rejet-là?
Ruth : On vit avec le rejet en en parlant aux autres, en ne s'isolant pas avec le fait que. On a parlé de l'importance de s'entourer, mais l'importance d'être dans un réseau avec des gens où tu peux parler, où tu peux échanger. Parce qu'on n'est jamais seule à vivre la même situation. Et le fait d'en parler nous amène sur des pistes de solutions qui sont tellement intéressantes. Mais ça te prend des aiguilleurs dans le marché pour être capable de t'amener vers des pistes de solutions qui sont toutes aussi intéressantes les unes les autres, mais qui peuvent passer par un chemin totalement différent d'où est-ce que tu avais pensé que ça allait passer.
Katerine-Lune : Effectivement, vous avez tout à fait raison. Ce qui est important, c'est d'établir un lien de confiance avec notre directeur ou directrice de compte pour prendre connaissance de tous les outils disponibles pour
permettre à l'entreprise de croître.
S'il y a des jeunes femmes ou des femmes de tout âge qui nous écoute et qui veulent se lancer en affaires et qu'elles ne croient pas avoir la force intérieure que vous semblez avoir toutes les deux, quels conseils leur
donneriez-vous?
Mériane : Pour moi, la base c'est vraiment de croire. Et souvent, l'être humain, il ne sait pas précisément ce qu'il veut. Si c'est vraiment ce que tu veux, tu y crois, peu importe de quel milieu tu viens, peu importe quelle est ta grande idée. Et ensuite, l'important, c'est de faire des petits pas chaque jour pour réaliser, matérialiser cette vision d'entreprise que l'on a.
Ruth : Combien de fois on rencontre des femmes qui disent « Ah moi, j'aimerais tellement ça, c'est mon rêve, c'est ça que je veux ». Bien en fait, quand tu t'assois à penser, moi, ici maintenant, je suis en train de vivre ma vie. Quand je vais être vieille, qu'est-ce que je veux dire de moi? Je veux dire que je l'ai fait ou que j'aurais dû le faire ? Alors, partir en affaires c'est la même chose. J'assume que c'est ma vie que je suis en train de vivre. Je vais la vivre de la façon que j'ai le goût de le faire. Je vais la réaliser de la façon que j'ai le goût de le faire. Et le jour où je dis, je rêve tellement de ça, plus j'attends, plus je prends du retard sur la vie que j'avais le goût de construire.
Katerine-Lune : Alors mesdames, vous êtes vraiment toutes les deux tellement inspirantes. J'ai eu l'impression d'être branchée sur le 220 dans les 20 dernières minutes! Alors Ruth, je vais aller prendre ma carte pour être membre du réseau et Mériane, j'attends les nouveaux produits en épicerie. J'ai hâte de goûter à tout ce qui se fait avec la purée de dattes. Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
Ruth : C'est un plaisir.
Mériane : Merciski!
Katerine-Lune : Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
Épisode 1 - Entreprises agricoles : quels sont les défis liés à la croissance?
8 juillet 2021 - Les entreprises dans le secteur agricole font face à de nombreux défis. Katerine-Lune Rollet s'entretient avec Valérie Jutras, directrice des opérations de la ferme Les Cultures de chez nous, et André Massicotte, PDG et copropriétaire de la ferme Paul Massicotte et Fils.
Valérie : Ce qu'on se rend compte, c'est que mes parents ont parti l'entreprise, ils n'avaient rien, pas un marteau.
Jasmin : Également, il y a un défi de gestion de la croissance et de la productivité.
André : On a à vivre aussi avec les aléas de mère Nature.
Katerine-Lune : Bonjour, ici Katerine-Lune Rollet. Vous écoutez Libres échanges, un balado de Desjardins Entreprises où je m'entretiens avec des entrepreneurs d'ici. Aujourd'hui, je vous propose une incursion dans le secteur agricole pour discuter des défis liés à la croissance. Bonne écoute.
Les entrepreneurs du secteur agricole font face à de nombreux défis. Et pour en discuter, j'ai le plaisir de rencontrer deux grands producteurs agricoles qui viennent nous parler de leur réalité quotidienne. Avec eux, je vais essayer
de comprendre les défis liés à la gestion d'une grande ferme familiale autant au niveau de l'investissement, des liquidités et de la rentabilité.
Valérie Jutras, vos parents ont fondé Les Cultures de chez nous en 1981 près de Drummondville. Maintenant, vous êtes la directrice des opérations et vos deux frères sont aussi impliqués dans la ferme familiale. Racontez-nous un peu
l'histoire de votre ferme. Qu'est-ce que vous y cultivez?
Valérie : On cultive du poireau principalement. On pourrait dire qu'on est le principal producteur de poireaux au Québec, mais on fait aussi par le fait même de l'asperge en saison, car l'asperge au Québec c'est seulement six semaines intenses, je vous dirais. On fait aussi un peu de petits fruits en autocueillette, de la grande culture pour les rotations. Puis une petite nouveauté, comme on s'ennuyait, bien on a commencé à faire un peu de courges.
Katerine-Lune : André Massicotte, de votre côté, vos parents ont fondé la ferme familiale Paul Massicotte et Fils en 1965 en Mauricie. Et si j'ai bien compris, vous avez un jour ou l'autre fait toutes les tâches sur la ferme depuis votre enfance. Et vous êtes même aujourd'hui le PDG et copropriétaire. Alors si Valérie est née dans les poireaux, est-ce qu'on peut dire que vous, vous êtes né dans les choux?
André : Et voilà, nous c'est les choux, et la bonne salade de chou qu'on transforme ici à la ferme. On cultive du chou, brocoli, chou-fleur, céleri. On a aussi des fraises et on a aussi un secteur un peu plus traditionnel qui est la grande culture et la production laitière. Puis avec tous les légumes, on fait des produits transformés, salade de chou, salade de patates, macaroni. Et on fait aussi de bonnes pâtisseries pour se sucrer le bec.
Katerine-Lune : Mais là, vous êtes tous les deux très humbles et vous n'avez pas parlé de l'envergure de vos fermes. Je pense que c'est important de préciser, Valérie, on parle de 800 acres pour Les Cultures de chez nous. Et André, de votre côté, c'est plus de 1 000 acres pour votre ferme. Donc, ce sont de très grandes fermes. Et finalement, avec nous aujourd'hui, Jasmin Rousseau. Jasmin, vous avez une formation en agroéconomie et ça fait 16 ans que vous êtes chez Desjardins Entreprises où vous gérez des comptes agricoles de grande envergure comme ceux de nos deux autres invités. D'ailleurs, je pense que vous connaissez bien Valérie, n'est-ce pas?
Jasmin : Oui, effectivement. C'est moi son directeur de compte, directeur de compte pour l'entreprise Les Cultures de chez nous.
Katerine-Lune : Qu'est-ce que ça fait exactement, un directeur de compte pour une entreprise agricole?
Jasmin : Un directeur de compte, je dirais, deux choses principales. Dans un premier temps, je suis conseiller financier pour tout ce qui est des besoins de l'entreprise opérationnels : les liquidités d'opération, les financements, l'équipement et l'immobilisation à long terme, les besoins en devises étrangères, carte de crédit et services de paie, etc. Mais en même temps, je considère qu'un directeur de compte, aussi, c'est un partenaire, un partenaire de l'entreprise pour son développement stratégique, pour la croissance de l'entreprise, planifier le transfert avec la relève. Donc, en proposant des stratégies de financement adaptées pour répondre aux besoins et préoccupations des membres.
Katerine-Lune : Valérie, j'imagine que gérer une ferme familiale comporte son lot de défis. Avez-vous des exemples concrets en tête?
Valérie : Oui, beaucoup de défis parce que nous, comme deuxième génération, on travaille encore tous ensemble avec mes parents, on est tous impliqués. Peut-être, je vous dirais, c'est d'arrimer un peu les visions, les mentalités, les manières de faire. Puis aussi, ce qu'on se rend compte, c'est que mes parents ont parti l'entreprise, ils étaient tous les deux, ils n'avaient rien, pas beaucoup d'employés. Maintenant, on est rendus avec 70 employés, on exporte aux États-Unis. Tout ce qui est le monde de la publicité, Facebook et tout ça, les médias sociaux qui prend quand même beaucoup de place. C'est sûr que ça fait un peu une différence avec mon père, je vous dirais que des fois on n'a pas la même vision de conciliation travail-famille. Donc, c'est ça les défis, mais l'important c'est de bien apprendre à se parler, communiquer, monétiser nos budgets, c'est quelque chose que maintenant, je pense, qu'il faut plus exploiter parce que l'entreprise n'est plus ce qu'elle était au tout début.
Katerine-Lune : Oui, effectivement. Plus une ferme grandit, plus ça doit être important d'assurer une bonne communication.
Qui dit grande ferme dit gros investissements. Je pense par exemple à l'acquisition de terres, d'équipement, de machinerie. Valérie, vous venez de nous le dire, vos parents sont partis vraiment de zéro quand ils ont démarré leur
entreprise. Quels ont été les investissements majeurs pour Les Cultures de chez nous?
Valérie : Comme vous dites, ils sont partis de zéro, donc à l'époque, ils n'avaient même pas un marteau. Donc, c'est plus que zéro! Mais c'est sûr qu'avant tout, c'est l'achat de la ferme, de la terre à l'époque. Ensuite, c'est toute l'infrastructure puis l'équipement. Le poireau, c'est quand même un légume qui est peu connu puis à l'époque, c'était très, très marginal. Ce n'était pas développé pour ici. À ce moment-là, mes parents ont été en France parce que le poireau là-bas était quand même beaucoup plus consommé, il était très avancé comparativement au Québec. Donc, c'était vraiment toute la machinerie, les équipements. Après ça, acheter des lignes de production. Puis quand on a fait les poireaux tranchés, bien à ce moment-là, c'est un autre investissement pour agrandir l'entreprise, pour avoir une salle de transformation. Quand on vous parle de chambre froide chaque année, si on veut avoir du poireau du Québec le plus longtemps sur les tablettes, ça demande quand même un cinq, six cent mille d'investissement pour faire une chambre froide qui peut durer, peut-être, un mois durant l'année au moment de novembre qu'on veut mettre tous nos poireaux dans les chambres froides. Je vous dirais que c'est un peu les gros investissements. Puis au fil des années, on peut acheter d'autres terres aussi parce qu'on en a besoin, on veut agrandir. Que ça soit au niveau de la publicité aussi, dans notre cas des systèmes informatiques. Maintenant, les fermes, c'est rendu tout au niveau de la transférabilité, l'hygiène, l'alimentaire. Il faut investir aussi de ce côté-là, peut-être des plus petits montants que l'achat d'une terre, mais il faut en tenir compte puis ce n'est pas à négliger.
Katerine-Lune : André, vous avez une offre très diversifiée, vous avez à la fois de la production laitière, de la culture maraîchère, des produits transformés. Est-ce que de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, c'est un peu ça la recette du succès?
André : En ayant plusieurs secteurs d'activités, c'est comme un portefeuille d'investissement à la bourse ou quelque chose comme ça qui fait qu'au bout de la ligne on diversifie un peu notre placement. Des fois d'un secteur traditionnel qui est le secteur laitier, des fois c'est notre vache à lait. Il y a certaines années, c'est la transformation alimentaire qui fait qu'au bout de la ligne on a une meilleure année, qu'on régularise certains profits. Puis en ayant plusieurs secteurs d'activités différents comme ça, c'est comme un portefeuille d'investissement risqué à moyen risque, puis avec de plus grands risques. Ça fait que ça englobe un peu une sécurité financière globale pour l'entreprise.
Katerine-Lune : On dit que le retour sur investissement dans le secteur de la transformation alimentaire se fait sur trois, quatre ans. Tandis que dans le secteur agricole, on parle plus de 7 à 10 ans. Jasmin, est-ce qu'il y a d'autres avantages à diversifier sa production comme le fait André?
Jasmin : Le secteur de la transformation agroalimentaire, c'est un peu entre l'agriculture pure et le commercial. On veut un retour sur investissement un peu plus rapide. Le risque est différent puis le marché est différent. Et l'agricole, on a des actifs plus long terme, des fois, qui sous-tendent les investissements. Donc, ça nous permet d'avoir une durée de vie plus longue ou un objectif de retour d'investissement un petit peu plus long.
Katerine-Lune : Les entrepreneurs du secteur agricole ont beau être prévoyants, il y a beaucoup de facteurs hors de leur contrôle. Est-ce que les aléas de mère Nature puis les défis du climat, évidemment, sur les prévisions des récoltes, ça vient jouer sur les liquidités de l'entreprise? Valérie.
Valérie : Oui, dans notre cas, dame Nature fait partie de notre vie tous les jours. Je dois vous dire qu'elle nous apporte quelques cheveux gris avec le temps! On essaie de planifier le plus possible quand on se rencontre, plus l'hiver, que ce soit la superficie. Nous aussi, on a un peu plus diversifié pour se protéger, comme André a dit. Selon les attentes de nos clients, tant de poireaux, on veut tant d'asperges, OK, on va répartir la grande culture et vice versa. Mais quand il arrive, que ce soit nos serres, parce que nous, on part nos poireaux en serre, on n'est pas à l'abri qu'il peut y avoir une maladie en serre. Même si ça fait 5 ans, 10 ans que ça va bien, tout d'un coup, il suffit d'un petit virus, bactérie qu'on ne sait pas pourquoi qui peut venir atteindre le niveau de germination. Puis dans notre niveau, quand tu as un niveau de deux, trois pour cent de germination sur huit millions, ça a quand même un grand impact sur les liquidités parce que c'est des poireaux de moins, que je n'aurai pas. La semence, je l'ai payée, le coût d'entretien des serres. Si on parle de quand c'est au champ, quand on plante nos poireaux ou l'asperge, un bel exemple : on a vécu un printemps hâtif cette année. Tout le monde est heureux, il fait chaud. L'asperge sort plus tôt, les fraises, les plants de fraises se développent, ils sont en fleurs, mais il y a toujours la pleine lune du mois de mai qui était plus tard cette année. Donc, on a vécu un trois jours de gel à moins quatre, qui est très, très dommageable, risqué pour les fraises. On a beau se lever la nuit, nos équipes se lèvent pour irriguer pour essayer de protéger, mais on a eu du gel malgré tout. Encore là, on vient de perdre quelques jours de récolte, ce qui est directement en lien avec la rentabilité ou la liquidité, si vous voulez. Parce que si je vends cinquante mille douzaines de moins, c'est sûr que ça va avoir une répercussion directement sur notre chiffre d'affaires parce que les frais fixes sont les mêmes. Donc, c'est là que ça vient plus… dame Nature vient nous jouer des tours, je vous dirais.
Katerine-Lune : Et selon vous, André, c'est quoi l'avantage d'avoir un maximum de liquidités?
André : Lorsqu'on a le maximum de liquidités, on est capables de faire un pointement, peut-être de la gestion d'inventaire, acheter des inventaires un peu à l'avance avant qu'il y ait des hausses de prix. Comme là, on vit beaucoup de hausses de prix dans différents produits. Lorsqu'on est capables de faire un petit peu de booking d'avance, lorsqu'on a un bon ratio de liquidités, ça nous permet de faire des achats stratégiques pour des ventes éventuelles. Pour vous citer un exemple, récemment on a fait l'achat de boîtes de carton pour une certaine période de trois à quatre mois pour être sûrs que notre prix soit gelé pour les trois ou quatre prochains mois durant une période de pointe où on a un petit peu plus de ventes. On a fait du booking pour ne pas subir la hausse de prix avant le temps. En ayant une liquidité, ça nous permet de sauver des coûts à moyen terme.
Katerine-Lune : Vous me parlez de moyen terme, mais si je comprends bien, il faut aussi avoir une vision à court et long terme pour ne pas manquer de liquidités. D'ailleurs, Jasmin, auriez-vous des conseils à donner aux entrepreneurs qui veulent maximiser leurs liquidités?
Jasmin : Premièrement, je dirais prendre le temps de faire un budget annuel avec son directeur de compte pour connaître les besoins annuels en financement, en liquidités, les peaks de liquidités de l'entreprise, pour pouvoir mettre la marge de crédit en conséquent de ces peaks de liquidités. Également, conserver des marges de manœuvre dans notre budget annuel pour les imprévus, pour qu'il y ait des liquidités qui soient capables de pallier à ça. Je dirais aussi qu'avec les entrepreneurs, c'est important de différencier les besoins de liquidités des besoins d'investissements pour ne pas financer des actifs long terme, je dirais des machineries, des équipements, des tracteurs sur la marge de crédit. Des fois, c'est tentant quand les liquidités sont là. On n'appelle pas notre directeur de compte, on le met sur la marge de crédit, mais en fin de saison, la marge de crédit, elle ne fait plus son travail, elle est peut-être un peu trop élevée. Donc, c'est important de parler à son directeur de compte pour financer les machineries, les équipements, puis garder la marge de crédit pour les liquidités d'opération. Également, s'il arrive des imprévus importants comme des pertes de production aux champs, des pertes de clients, c'est important d'aviser son directeur de compte pour qu'il trouve une solution pour pallier aux problèmes passagers de liquidités. Ça va enlever du stress à l'entrepreneur et de l'incertitude également.
Katerine-Lune : Valérie et André, diriez-vous qu'une marge de crédit est un produit financier essentiel pour vous? Valérie.
Valérie : Oui. Surtout, je vous dirais, quand on débute en affaires, il faut avoir une certaine sécurité. On n'a pas de liquidités, justement, donc ça nous prend une marge de crédit si on veut rouler. Puis aussi, comme je disais, c'est d'assumer les frais fixes. Dans le poireau, on part les poireaux en serres pour pouvoir les récolter seulement au mois d'août avant de faire les premières ventes. Donc, c'est six mois qu'on doit assumer tout l'entretien, l'achat de la semence, comme André dit, les boîtes, la pellicule et tout, le salaire de nos employés. Sans marge de crédit, ça serait très difficile d'être en affaires, de continuer.
André : Pour notre part, c'est aussi un peu similaire aux Cultures de chez nous. Quand on parle du mois de mai, du mois de juin, c'est des grosses périodes de ventes au niveau de la transformation des salades préparées. Nous autres, on atteint des mois plus grands de ventes. Alors, nos marges de crédit sont essentielles à la continuité des opérations de l'entreprise, avoir une bonne marge de crédit. Il y a des semences aussi à payer, comme Valérie, alors c'est important que notre directeur de compte nous supporte un peu dans la fluctuation de nos demandes financières.
Katerine-Lune : Parlons maintenant de rentabilité. Est-ce que vous avez tous les trois des conseils ou des pistes de solutions pour augmenter la rentabilité d'une entreprise dans le secteur agricole?
Valérie : Nous, c'est peut-être typique aux poireaux, parce que comme je vous disais, c'est quand même très marginal et peu connu. Donc, depuis tout le début des années, ça a été vraiment pour maximiser la rentabilité – améliorer, pardon –, c'est vraiment tout ce qui est machineries et équipements, qu'on a dû vraiment investir pour pouvoir avoir un poireau de qualité puis faire notre place à l'année dans les chaînes d'alimentation, pour encore là assurer du travail à l'année à nos employés. Si on veut vendre plus de douzaines pour que l'entreprise soit plus rentable, il faut faire connaître le poireau. Pour le faire, parce que nous, les gens, à part le potage, ils n'achètent pas beaucoup le poireau. Et nous, Les Cultures de chez nous, notre mission c'est de faire en sorte que le poireau se retrouve dans chaque panier d'épicerie, chaque semaine. On a beaucoup de travail à faire donc c'est pour ça que nous, c'est oui, l'innovation avant tout, mais beaucoup d'éducation. Il faut montrer aux gens quoi faire avec le poireau. C'est pour ça qu'on – pour une entreprise agricole, c'est rare qu'on voit ça – on a fait une publicité à la télévision, dans les magazines. On a fait le site completementpoireau.com pour vraiment créer des idées recettes. Tout est relié ensemble, innovation et éducation.
Katerine-Lune : André, de votre côté, des conseils?
André : Oui, nous autres, pour notre part, chaque employé a une tierce personne qui est capable de le remplacer. Chaque employé est capable d'être doublé par une autre personne pour régulariser. Mais on a quand même un défi au niveau de la gestion du personnel. On est comme tout le monde, on vit une pénurie de personnel, mais on est tout le temps actifs pour renouveler les postes qui sont vacants.
Katerine-Lune : Jasmin, peut-être des conseils aussi à nous donner?
Jasmin : Un peu dans le même sens qu'André et Valérie. Je soulèverais de s'entourer aussi de partenaires et conseillers techniques qui pourront nous aider dans certains points de l'entreprise plus précis pour améliorer notre efficacité d'entreprise. Dans le fond, bien s'entourer, ça reste important. Valérie l'a dit, l'innovation, rester à l'affût des innovations de notre secteur d'activités. L'automatisation, la robotisation sont présentes dans tous les secteurs agricoles, agroalimentaires, ça reste des choses à envisager pour garder notre productivité et compétitivité. Puis aussi l'innovation, mais aussi, comme entrepreneur, je dirais ne pas avoir peur de se remettre en question, de remettre en question ses méthodes de production. Échanger avec d'autres entrepreneurs aussi pour améliorer nos façons de faire pour pouvoir être plus performants.
Katerine-Lune : Nous avons parlé aujourd'hui d'investissements, de liquidités, de rentabilité, mais j'aimerais que vous me parliez des humains derrière les fermes. Pouvez-vous me nommer des qualités qui font un bon entrepreneur agricole?
Valérie : Je pense qu'un entrepreneur agricole, aujourd'hui, doit avant tout croire en ses projets puis aller vraiment au bout de ses rêves. C'est sûr qu'on doit être visionnaire puis audacieux. On ne se le cachera pas, il faut avoir quand même de l'audace. Mais aussi, aujourd'hui, c'est tellement rendu complexe, une entreprise agricole. Je pense qu'on doit devenir une sorte de leader, si tu veux, inspirant, avoir beaucoup d'humilité, qui va savoir s'entourer d'une équipe parce qu'on ne peut pas fonctionner tout seul, c'est impossible. Puis il faut être conscient de s'entourer d'une équipe qui a des forces différentes des nôtres parce qu'on ne peut pas être bon dans tout. Puis c'est ça qui va faire qu'on va pouvoir aller plus loin.
Katerine-Lune : Est-ce que c'est une vocation d'être entrepreneur agricole?
Valérie : Oui, je pense que oui. Il faut vraiment… c'est beaucoup d'efforts, beaucoup de sacrifices, mais en même temps, il y a du retour. Puis quand on fait ce qu'on aime, je pense, c'est différent. Ça fait toute la différence. Il faut vraiment aimer ce qu'on fait. Il y a des hauts, des bas et des difficultés, comme dans tout. Mais oui, c'est une vocation.
Katerine-Lune : André, en trois mots?
André : Être curieux, passionné, avoir le sens un peu de la communication, c'est essentiel pour être un bon entrepreneur et faire preuve d'ouverture vers la nouveauté, vers l'innovation.
Katerine-Lune : Jasmin, le mot de la fin.
Jasmin : Un peu dans le même sens qu'André et Valérie. Je pense qu'ils ont bien résumé. Je pense qu'un bon entrepreneur agricole c'est quelqu'un qui sait bien s'entourer, déléguer. C'est quelqu'un aussi qui connaît bien ses chiffres, ses coûts de production, ses réalités d'entreprise. Puis c'est quelqu'un, comme on a dit, qui est innovateur, qui essaie des nouvelles façons de faire, qui se remet en question.
Katerine-Lune : Merci à vous trois d'avoir été avec nous aujourd'hui. Je pense que ça nous a aidés à mieux comprendre votre réalité et les principaux défis du secteur agricole. Je vous souhaite que dame Nature soit de votre côté dans les mois à venir.
Valérie : Merci.
André : Merci.
Jasmin : Merci.
Katerine-Lune : Libres échanges est une présentation de Desjardins Entreprises. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur Spotify. Je m'appelle Katerine-Lune Rollet, merci d'avoir été à l'écoute.
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